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Les statistiques officielles évaluent à 88 litres par habitant la consommation annuelle de la bière en Allemagne, à 4,5 litres la consommation de l’alcool à 100 degrés de Tralles, moyenne des dix dernières années. Dans l’étal actuel des choses, l’impôt sur la bière équivaut à 65 cent. par tête d’habitant et s’élève à 1 fr. 05 par hectolitre; l’impôt sur l’eau-de-vie équivaut à 1 fr. 25 par habitant et s’élève à 25 francs par hectolitre. A deux reprises, le Reichstag a rejeté les projets d’augmentation des droits sur la bière, et rien ne permet d’angurer un meilleur accueil pour une nouvelle tentative. Pour l’eau-de-vie, les dispositions sont différentes. L’alcoolisme fait de tels progrès, cause tant de mal dans la plupart des pays de l’Empire, que beaucoup de députés non-seulement sont disposés à accorder une augmentation sur les droits relativement minimes, payés actuellement sur cet article, mais la demandent avec instances. En France, les impôts sur la consommation de l’eau-de-vie donnent un produit annuel de 134 millions de francs pour 1 million environ d’hectolitres employés, soit 134 francs par hectolitre et 3 fr. 65 par tête d’habitant ou quatre fois plus qu’en Allemagne, quoique la consommation moyenne soit de moitié moindre. En Angleterre, les différentes taxes sur les spiritueux, — accise, droits d’entrée, licence, — atteignent 19,656,000 livres sterling, soit environ 500 millions de francs annuellement, ou 16 fr. 65 par tête, huit fois plus qu’en Allemagne. En Russie, l’impôt sur les boissons donne à l’état 222 millions de roubles ou 12 fr. par habitant et par an. Tous ces chiffres indiquent la possibiité d’élever dans une forte mesure l’imposition de l’alcool, sans atteindre ie niveau des pays voisins. Des droits de 100 marcs par hectolitre ne seraient pas excessifs et assureraient aux états particuliers une recette considérable, servant en même temps la moralité publique, si, par le fait du renchérissement qui résulterait de l’impôt, la consommation était diminuée. Heureusement pour les buveurs d’eau-de-vie, les ménagemens du gouvernement pour la noblesse terrienne et les grands propriétaires fonciers, qui forment le noyau du parti conservateur dans les assemblées législatives, qui ont intérêt, en leur qualité de distillateurs, à ne pas réduire la consommation par l’impôt, cet intérêt et ces ménagemens écartent pour le moment tout risque d’augmentation des taxes sur l’alcool. Les Anglais ont bien un jour fait la guerre à la Chine pour contraindre ce pays à tolérer le commerce de l’opium qui empoisonne ses sujets. Les conservateurs allemands n’éprouvent pas un plus grand scrupule à favoriser dans un intérêt de caste les progrès de l’alcoolisme.

Faute d’augmentation des droits sur l’eau-de-vie et sur la bière, le chancelier s’est rejeté sur le monopole du tabac sans réussir davantage. Suivant son expression , le tabac doit saigner pour