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bien des renseignemens précieux ; mais on n’en avait guère étudié jusqu’ici que les sujets et les légendes ; on n’avait même pas essayé de les grouper, d’après leur exécution et d’après d’autres indices, par siècles et par écoles. C’est ce difficile travail que tente aujourd’hui et que nous promet M. Ménant ; mais attendons qu’il l’ait achevé, qu’il ait justifié et fait prévaloir le principe d’un classement où soient distinguées, par leur facture, les œuvres des différens peuples qui se sont servis de ces cachets. Jusqu’alors, cylindres, cônes et autres pierres gravées de fabrique orientale seront d’un faible secours à qui voudra y chercher un critérium pour définir un style dont les caractères n’ont pas encore été bien déterminés. Beaucoup de ces pierres ne portent pas d’inscription qui permette de les rattacher, même par conjecture, à telle ou telle époque et à tel ou tel pays. Sauf dans quelques cas qui sont tout à fait exceptionnels, sait-on jamais d’où vient un cylindre et par combien de mains il a passé avant de prendre place dans la vitrine d’un de nos musées ?

Avec les monumens de Telle, nous pouvons enfin juger l’art chaldéen sur pièces, sans craindre d’exposer nos théories aux démentis du lendemain. Ces monumens ont tous été trouvés en place, dans ce district même de la basse Mésopotamie, où paraît s’être allumé, dans le bassin de l’Euphrate, le plus ancien foyer d’une civilisation asiatique. Ce ne sont pas de ces tout petits objets auxquels certaines nécessités d’exécution donnent parfois un caractère spécial et tout conventionnel. C’est un ensemble de constructions, dans lequel sont représentées l’architecture funéraire, l’architecture religieuse et l’architecture civile ; c’est une suite de statues dont l’une est plus grande et dont les autres ne sont pas beaucoup plus petites que nature ; ce sont des bas-reliefs qui, tout mutilés qu’ils soient, offrent encore à l’œil une certaine variété de sujets et de scènes ; ce sont des têtes qui, quoique séparées des corps auxquels elles ont appartenu, sont encore d’une belle conservation ; enfin ce sont divers morceaux, fragmens de statuettes et figurines de bronze ou de terre cuite. L’époque à laquelle appartiennent ces monumens se laisse déterminer avec une approximation suffisante. Sans doute il ne peut être question ici de date ; les petits princes locaux qui ont construit les édifices de Sirtella et qui ont gravé leur nom sur ces statues n’ont pas leur place marquée dans une de ces séries continues dont le type nous est offert par les dynasties égyptiennes. On peut cependant affirmer avec une entière certitude que la plupart de ces monumens remontent aux premiers siècles de ce que l’on appelle le premier empire chaldéen ; ils sont ainsi beaucoup plus vieux que les plus anciens monumens assyriens qui nous soient parvenus.

Pour justifier cette assertion, ce n’est point dans l’étude et la définition du style de ces statues que nous irons chercher nos argumens ;