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longtemps et toute cette cordialité expansive fait trouver bons les gâteaux à l’amande amère, les liqueurs, l’eau de rose et les parfums qu’on vous donne, verse ou brûle de si bon cœur.


IV.

Tels sont, à très grands traits, quelques-uns des caractères et des usages du peuple sur lequel notre république règne désormais avec le bey. Nous lui avons déjà fait faire quelques progrès, mais ce n’est pas assez pour une si riche et si belle province, et une quantité d’anomalies subsistent qu’il est urgent de faire disparaître.

D’abord, il y a cette fameuse dette dont on a tant parlé. Poussé par son ancien premier ministre, le célèbre Moustapha Khaznadar, le bey fit, ou plutôt laissa faire, avant 1869, de gros emprunts. La Tunisie n’avait cependant pas besoin de beaucoup d’argent, mais le Khaznadar en manquait toujours. Aussi était-il constamment disposé à en demander au public européen, qui lui en donnait volontiers. Il gardait pour lui ce qu’il pouvait; le reste était dissipé n’importe comment. Une forte somme cependant fut employée à un grand et bel ouvrage, la réparation de l’ancien aqueduc romain qui amenait l’eau du Zaghouan à la côte. Avant ce grand travail, on ne buvait à Tunis que l’eau des citernes, en la ménageant, pendant l’été, comme si on se fût trouvé à bord d’un voilier au long cours. Et quand la citerne d’une maison était vide, on allait emprunter de l’eau à ses voisins. Pendant toute la saison, les légumes frais faisaient défaut et c’était un grand régal que de pouvoir faire une mauvaise salade d’herbages ramassés dans les haies d’aloès ou de cactus.

On sait comment, en 1869, le bey ne payant plus rien des gros intérêts qu’il avait promis, il fut obligé d’en appeler de lui-même à la France d’abord, puis à l’Angleterre et à l’Italie, pour qu’on procédât officiellement au règlement de sa banqueroute. Une commission internationale fut chargée d’administrer les finances beylicales et de veiller au service des coupons de la dette. Les créanciers durent consentir à une réduction considérable dans le montant de leurs créances et dans le taux des intérêts à eux promis. Ainsi réduite, la dette, qui était de 175 millions, ne fut plus que de 125. C’est encore son chiffre aujourd’hui, et c’est la même commission qui l’administre.

De même que les capitulations, cette commission a été utile à son heure ; mais de même que pour les capitulations cette heure est passée. D’abord son administration, qui était un progrès sur le chaos auquel elle succédait, nous scandaliserait quelque peu en Europe si nos impôts étaient recueillis de la sorte. Les membres de la commission, comme les percepteurs moindres installés dans les villes de