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put montrer à Catherine que les lettres du duc et non cette promesse formelle de mariage dont il la leurrait depuis des mois. Elle l’avait avoué à la reine, elle était grosse de six à sept mois, le temps pressait. Catherine lui enjoignit de se retirer auprès de sa mère, alors à Pau, et pour empêcher à l’avenir tout nouveau scandale, elle donna les ordres les plus sévères. « La cour est bien changée, écrivait le cardinal de Guise, on ne trouverait plus un seul gentilhomme qui fasse la cour aux dames. Quand le roi va à pied chez la reine, il y va avec quatre ou cinq de nous, avec défense de n’y laisser entrer un seul gentilhomme quel qu’il soit[1]. »

Françoise de Rohan ne se rendit pas directement à Pau. Sachant qu’Antoine de Bourbon s’était annoncé à Vendôme, elle alla l’y attendre ; elle comptait sur son intercession auprès de Jeanne d’Albret, dont elle redoutait la sévérité. Cet espoir ne fut pas déçu, et c’est Antoine de Bourbon qui va nous dire l’impression qu’elle lui fit : « Je suis arrivé, écrit-il à Jeanne d’Albret, en ce lieu de Vendôme, bien las et bien crotté, là où j’ai trouvé notre cousine, qui m’a fait entendre bien au long le discours de son affaire. Je ne trouve pas que les choses soient si mal que l’on a dit pour son honneur ; j’espère que les choses seront mieux que nous n’espérions, et que M. de Nemours ne sera si malheureux que de désavouer la promesse qu’il lui a faite de l’épouser. Nous nous délibérons de la tenir pour femme de M. de Nemours, et ne la méprisons, ni ne l’éloignons de nous jusqu’à ce que nous ayons nouvelles de lui. Je vous en supplie, ma mie, ne vous ennuyez, si vous ne voyez si promptement les choses venir ainsi que vous les désirez, car j’ai espérance que le tout bien considéré de lui qu’il le peut moins que de passer par là, j’entends de mariage ou de mort, qui sera la fin, ma mie ; en vous priant encore un coup de ne vous fâcher ; car je vous promets, foi d’homme de bien ! que pour vous faire connoître l’amitié que je vous porte, j’y mettrai la vie et les biens pour empêcher la honte. » Jeanne d’Albret lui avait mandé de renvoyer sur-le-champ toutes les femmes de Françoise. « Je ne les ai point chassées, lui répondit-il, il m’a semblé pour meilleur avis les laisser aller avec leur maîtresse pour l’accompagner vers vous, et par après vous en ferez comme il vous plaira ; si les eussions chassées, tout le monde eût cru que ma cousine avait été vendue et qu’elle eût fait faute contre son honneur. »

Françoise de Rohan et Antoine de Bourbon quittèrent Vendôme en même temps, elle pour prendre le chemin de Pau, lui pour se rendre à Paris. Henri II le reçut très cordialement. Le jeune Henri

  1. Bibl. nat., fonds Fontanier, no 287.