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chacun ou chacune en la danse, et son fils, et tout, et se retiroit dans une ruelle, et là, son amant d’autres fois fort bien traité, aimé et favorisé, étant son mariage, arrivoit ou bien ayant soupé avec elle ne bougeoit, et la traitoit et renouveloit ses anciennes amours et en pratiquoit de nouvelles pour secondes nopces. »

En quittant Fontainebleau, Catherine de Médicis prit la route de Troyes, où, le 14 avril, elle signait la paix avec l’Angleterre. Libre de ce côté, elle entreprit son long voyage de deux années à travers la France, voulant tout à la fois montrer le jeune roi aux populations et se rendre compte par ses yeux de l’état des esprits, et surtout de la véritable force du parti protestant. La duchesse de Guise l’accompagna durant le séjour de la cour à Lyon ; et son intimité avec le duc de Nemours, qui était devenu le gouverneur de cette ville, s’accentua de plus en plus. Retenu par les devoirs de sa charge dans son gouvernement, dont la population était loin d’être pacifiée, le duc ne suivit pas la cour, mais laissa auprès de la duchesse un autre lui-même, Florimond Robertet. C’est par les mains de ce secrétaire d’état que passa désormais sa correspondance avec la duchesse : « J’ai montré votre lettre à votre dame, lui écrivait le 12 août ce fidèle confident, elle a bien fort ri, et je pense que si je vous montre le chemin, à vous autres amoureux, qu’à la fin vous serez mariés comme on dit que je dois l’être[1], » Le piquant de cette lettre, c’est que Robertet était sur le point d’épouser et épousa cette même année la belle Jeanne de Piennes, dont la destinée était en tout semblable à celle de Françoise de Rohan. Séduite et abandonnée par François de Montmorency, qui s’était laissé marier par son père le connétable à Diane de France, la fille naturelle de Henri II, Jeanne de Piennes s’était contentée de cette dédaigneuse réponse : « Il a le cœur moindre qu’une femme et je vois bien qu’il préfère être riche qu’être homme de bien. »

Mais le plus sérieux obstacle à l’union de Nemours avec la duchesse de Guise, c’était cette promesse de mariage sur laquelle s’appuyait Françoise de Rohan. Un scrupule de conscience, nous dit Hilarion de Coste, l’historien des Femmes illustres du XVIe siècle, arrêtait la duchesse, elle s’était à cet égard nettement prononcée : « Tant que le procès que le duc soutient contre Mlle de Rohan ne sera pas jugé en sa faveur, je ne consentirai pas à l’épouser. » Si partiales qu’eussent été les dépositions de ses illustres témoins, Nemours conservait certaines inquiétudes sur la décision qu’étaient appelés à rendre prochainement les délégués de l’évêque de Paris. Il supplia le jeune roi et Catherine de Médicis d’agir auprès du

  1. Bibl. nat., fonds français, no 3411, page 8.