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il leur sert de port et d’arsenal ; l’embarcation n’est jamais inutilement à la mer, n’a pas de chargement superflu, et ses machines, pour résister à un travail intermittent et court, restent assez solides, malgré la délicatesse de leur construction et la légèreté de leur poids. Voilà comment on a pu armer de torpilles et douer d’une vitesse supérieure à 20 nœuds des canots que montent dix-sept et quelques hommes, qui pèsent de 12 à 30 tonnes et ne coûtent pas en moyenne plus de 100,000 francs. Les flottes de combat doivent porter leurs flottilles de garde. Mais loin que les faibles navires soient destinés à remplacer les navires puissans, c’est l’existence de ceux-ci qui rend ceux-là nécessaires, les ressources de ceux-ci qui rendent ceux-là possibles, et la petitesse des uns vit de la grandeur des autres.


V.

La constance des règles qui président à la composition des flottes, une égalité de science et une rapidité d’informations, grâce auxquelles les découvertes se répandent comme les nouvelles et forment dans le monde une atmosphère commune de progrès, enfin des moyens d’action partout analogues tendraient à créer entre les armes des divers peuples l’égalité. Ce qui fait entre eux la différence, c’est la différence de leurs vues politiques ; selon ce qu’ils méditent varie l’état de leur marine et la proportion de ses divers élémens. Pour une lutte commerciale, les croiseurs l’emportent ; pour une lutte militaire, les cuirassés. D’ailleurs aucune de ces guerres ne donne de résultats complets, si l’on ne tient sur un pied respectable l’une et l’autre flottes. Le nombre des bâtimens de combat fixe à son tour celui des bâtimens de garde, et comme la force n’est pas chose absolue, mais relative, chaque état, se comparant à ceux qu’il craint, s’efforce de les dépasser. À produire des vaisseaux dont le prix va croissant, les plus riches budgets s’épuisent vile ; nulle part donc il n’importe davantage de bien ménager ses ressources. Toutes ne sont pas renfermées dans le trésor : un peuple maritime, par sa vie quotidienne et ses travaux naturels, prépare un autre trésor à la marine nationale. La prodigalité la plus stérile pour un état serait de produire les élémens de force déjà créés ; la meilleure économie est de les emprunter partout où ils existent, et ainsi de réserver son effort pour les œuvres que la puissance publique est seule capable d’accomplir.

Voilà pourquoi le présent travail n’a pas énuméré dans les flottes de guerre toute une catégorie de navires pourtant indispensables à un état maritime : les bâtimens de transport.