Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/166

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

c’était le taux minimum d’intérêt qui régnait entre particuliers. Ils contractent une dette de 45 milliards, font immédiatement les plus grands sacrifices pour la rembourser et le taux de leur crédit monte à 3 1/2 et 4 pour 100 en quelques années. Jamais on n’avait fourni une démonstration plus éclatante de la vérité du proverbe qu’en payant ses dettes on s’enrichit. Ce qu’ils ont économisé et appliqué à payer leur dette n’est rien à côté des autres avantages que leur a procurés l’amélioration de leur crédit.

Il y a des gens à courte vue qui ne voient dans l’amortissement que la somme qu’on y consacre, et comme cette somme est généralement peu considérable et difficile à obtenir, on se demande si le bénéfice qu’on retirera de cet amortissement vaut le sacrifice qu’on s’impose. C’est le sentiment à peu près général dans notre pays, et alors on se laisse aller à ne rien faire pour diminuer la dette. Telle n’a pas été non plus la manière d’agir des Anglais. Ils n’ont pas certainement fait les efforts des Américains, cela leur aurait été d’ailleurs plus difficile qu’à ceux-ci, mais ils ne sont pas restés inactifs, en face de la dette de 20 milliards qu’ils avaient contractée pour lutter contre notre premier empire : ils l’ont déjà par divers procédés diminuée de 3 milliards, et bien que ce qui en reste ne soit plus très lourd en raison de la richesse, qui a plus que triplé depuis 1815, ils se considèrent cependant toujours dans l’obligation de le réduire. Trois choses sont nécessaires, a dit M. Gladstone dans l’exposé de son dernier budget, pour avoir une bonne situation financière : 1o ne pas engager de dépense sans avoir de quoi y faire face et même davantage (c’est une maxime à méditer par nos gouvernans) ; 2o en temps de paix, amortir la dette nationale ; 3o réduire les dépenses autant qu’on le peut ; et l’honorable ministre s’accusait de ne pas avoir fait assez pour l’amortissement ; c’était fort modeste de sa part et montrait tout l’intérêt qu’il attache à la question, car on peut lui rendre cette justice que personne n’a fait plus que lui dans son pays pour l’amortissement. Il est notamment l’inventeur de ce système qui consiste à convenir la rente perpétuelle en rente à terme devant finir à une époque déterminée et qu’on appelle terminable annuities. Pour cela, il faut savoir s’imposer des sacrifices momentanés et augmenter pendant quelque temps l’intérêt de la dette afin de le voir diminuer tout à coup sensiblement. C’est ce qu’a déjà fait M. Gladstone par une loi de 1863 ; y a converti certains fonds des caisses d’épargne en terminable annuities, calculées de façon à reconstituer le capital en vingt et quelques années. Cette mesure, jointe au parti-pris en Angleterre de ne plus rouvrir le livre de la dette consolidée, d’émettre des bons à terme et même d’augmenter les impôts pour toutes les dépenses extraordinaires y compris celles de la guerre, a déjà eu