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inspirant des exemples fournis par les autres peuples, nous devrons consacrer à l’amortissement au moins tout le bénéfice qui en proviendra. Nous demanderions même quelque chose de plus ; il nous paraîtrait utile qu’à l’imitation des Anglais, on convertit successivement une partie de la rente consolidée en rente viagère ou à terme et on ne serait pas embarrassé pour trouver cette rente ; la Caisse des dépôts et consignations nous la fournirait en aussi grande quantité que nous voudrions ; on pourrait déjà commencer par convertir les 1,200 millions de rente qu’on propose de créer, d’après le système de M. Léon Say, pour alléger la dette flottante. Nous aurions ainsi deux systèmes d’amortissement, le premier qui résulterait de l’emploi du bénéfice annuel de la conversion et qui nous servirait à rembourser le plus vite possible les nouvelles obligations, et le second qui serait alimenté par les ressources disponibles, les excédens de budget, et qui remplacerait la rente perpétuelle par des annuités. Cela nous serait d’autant plus facile qu’en 1886, si nous n’en émettons pas de nouvelles d’ici là, on verra la fin des obligations à court terme, et nous pourrions avoir de ce chef 150 millions disponibles, De cette façon, nous marcherions assez rapidement à la réduction de la dette. Mais, pour cela, il faut de la résolution et savoir s’imposer des sacrifices momentanés. Malheureusement, ce n’est pas le propre des gouvernemens démocratiques, ils ont besoin d’éblouir les yeux et, au lieu de sacrifier le présent à l’avenir, ils sont plutôt disposés à faire le contraire. C’est ainsi que nos budgets s’accroissent d’année en année et que les emprunts succèdent aux emprunts. Pour peu que nous continuions dans cette voie, on pourra bientôt nous appliquer ce qu’a dit M. de Laveleye des pays qui abusent du crédit : « Le crédit que nous apprenons à bénir, a-t-il dit, comme une fée bienfaisante qui multiplie les biens de l’humanité est devenu pour les populations (celles de l’Orient et d’autres encore) un fléau pire que la peste et la famine au moyen âge. Car celles-ci étaient passagères et l’autre est permanent. C’est l’abus du crédit qui a ruiné la Turquie, l’Egypte, l’Italie, l’Autriche, la Russie, tous les pays dont les moyens de production ne sont pas en rapport avec les dépenses exagérées faites par ceux qui les gouvernent. » Chez nous, il est vrai, les moyens de production sont beaucoup plus considérables que dans les pays que nous venons de citer, mais les charges sont aussi beaucoup plus étendues, et il arrive un moment où la richesse a beau être grande, elle ne suffit plus. D’ailleurs elle cesse elle-même de progresser par l’effet des charges qui l’écrasent.

On croit qu’on fait merveille en appliquant une part des dépenses extraordinaires aux travaux publics et qu’il n’en résultera jamais d’inconvéniens. On avait même sous le second empire poussé cette théorie très loin. Lorsqu’on avait, par exemple, un excédent de