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complexes qu’il y ait et l’un de ceux qui exigent le concours d’une armée de collaborateurs. La persévérance des observateurs s’est souvent lassée autrefois parce qu’elle n’était soutenue par l’espoir d’aucune découverte. On avait d’abord cru qu’en accumulant les observations journalières dans un même lieu, on finirait par y démêler des périodes assez régulières pour qu’il devînt possible de fixer le retour de tel phénomène à une date éloignée. Mais en constatant que ces entassemens de chiffres restaient stériles, que les moyennes seules revenaient avec régularité, et que les perturbations ne paraissaient obéir à aucune loi, on s’est découragé et le travail a été arrêté. Il y a seulement vingt-cinq ans que l’illustre Biot, dans une mémorable séance de l’Académie des sciences, crut pouvoir prononcer une condamnation formelle des établissemens météorologiques, en affirmant que « par le manque d’un but spécial et par la nature de leur organisation, ils ne pouvaient rien produire, sinon des masses de faits disjoints, matériellement accumulés, sans aucune destination d’utilité prévue, soit pour la théorie, soit pour les applications. » Or déjà le jour était proche où la météorologie, changeant tout à coup de méthode et de procédés, devait prendre rang parmi les sciences appliquées auxquelles est réservée la sollicitude des hommes d’état.

Cette évolution ne s’est pas toutefois accomplie sans quelque lenteur ni sans lutte. C’est que, même après avoir entrevu la possibilité de la prédiction du temps, on se rendait difficilement compte de toute la portée d’une pareille innovation. On n’a pas toujours présente à l’esprit toute l’étendue de l’action destructive des météores, et l’on ne se dit pas que la grandeur des pertes pourrait justifier de fortes dépenses pour les études qui nous fourniront le moyen de lutter contre les fléaux. Quand les journaux annoncent un désastre, — incendie, inondation, naufrage, — tout de suite il y a un magnifique élan de la charité publique, l’argent afflue de tous côtés. Mais, dans ces cas, l’imagination est frappée, elle vous représente vivement les souffrances qu’il s’agit de soulager, et l’urgence des secours ne laisse pas le temps à la réflexion de contrecarrer le premier, le bon mouvement. Au contraire, lorsqu’il s’agit de dangers lointains, l’appel ne s’adresse plus au sentiment, mais à la froide raison ; la lutte contre un péril abstrait n’a rien qui passionne, et l’incertitude du succès refroidit le zèle de ceux qui disposent des destinées de la science.

Pour la France seulement, les pertes causées chaque année à la fortune publique par le feu, la grêle, la gelée, les orages et les inondations, les épizooties, varient de 200 à 400 millions de francs. Les pertes résultant de la mortalité du bétail et celles qui sont occasionnées par les incendies se reproduisent avec une certaine