Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/219

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

important encore, il avait su se concilier les bonnes grâces et la confiance du roi Makoko, dont jadis M. Stanley avait traversé les états sans s’en douter, si curieux qu’il fût de le connaître. On assure que la dynastie des Makoko est fort ancienne, que leur nom était connu à la côte dés le XVe siècle, qu’alors déjà on les rangeait parmi les potentats les plus considérés de l’Afrique équatoriale de l’ouest. Les feudataires du roi Makoko, parmi lesquels figurent les chefs de tribus qui occupent les deux rives du lac Ncouna, reçoivent de lui leur investiture, dont le signe distinctif est un collier en cuivre. Il a les bras longs ; son influence d’un caractère religieux s’étend jusqu’à l’embouchure de l’Alima. Il accueillit avec empressement M. de Brazza. Étendu sur sa peau de lion, entouré de ses femmes et de ses enfans, assisté de son grand-féticheur, il lui dit après un court entretien : « Makoko est heureux de recevoir le fils du grand chef blanc de l’Occident, dont les actes sont ceux d’un homme sage, et il veut que lorsqu’il quittera ses états il puisse dire à ceux qui l’ont envoyé que Makoko sait bien recevoir les blancs qui viennent chez lui non en guerriers, mais en hommes de paix. » M. de Brazza passa vingt-cinq jours chez Makoko et n’y perdit pas son temps. Leurs conférences aboutirent à la conclusion d’un traité aux termes duquel le roi plaçait ses états sous la protection de la France et accordait à M. de Brazza une concession de territoire à son choix sur les rives du Congo. Ce traité fut ratifié par une assemblée des chefs vassaux. Après l’échange des signatures, le grand-féticheur, par l’ordre de son souverain, présenta à l’officier français un peu de terre dans une petite boîte et lui dit : « Prends cette terre et porte-la au grand chef des blancs ; elle lui rappellera que nous lui appartenons. » À quoi M. de Brazza répondit, en plantant son pavillon devant la case royale : « Voici le signe d’amitié et de protection que je vous laisse. La France est partout où flotte cet emblème de paix, et elle fait respecter les droits de tous ceux qui s’en couvrent. »

M. de Brazza avait eu le bonheur de signer un traité avec Makoko et d’obtenir son aide pour faire la paix avec les Oubandjis. Il ne fut pas moins heureux dans le choix qu’il fit du coin de terre qu’il entendait réserver à la France. Il prit possession de Ntamo, aujourd’hui Brazzaville, dernier village sur la rive droite en amont des rapides, ainsi que du territoire adjacent jusqu’à Impila. Ntamo est situé à l’embouchure d’un petit affluent du Congo, le Djoué, lequel se trouve être le prolongement presque en ligne droite du Niari, jolie rivière large de 80 à 90 mètres, qui se jette dans l’Atlantique sous le nom de Quilliou. Tandis que le Congo traverse de chute en chute les énormes terrasses parallèles à l’océan, le Niari, jusqu’à son confluent avec le Lalli, coule sans un rapide sur un sol uniforme, fertile, dont la population est plus compacte que celle de la France. Quiconque n’a pas le goût des escaliers et se soucie peu qu’ils lui restent pour compte doit