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sommes appelés par Dieu à prêcher et à répandre par tout l’univers la révélation de Joseph Smith, qui n’est que le complément de la révélation chrétienne. »

À ces mots, notre figure, au chapelain et à moi, exprima probablement une certaine surprise, car il reprit avec vivacité : « Je vous étonne, n’est-ce pas ? voilà bien comme vous êtes, vous autres gentils. Vous nous jugez sans nous connaître et vous nous calomniez. Vous ne savez qu’une chose des mormons, c’est qu’ils pratiquent la polygamie, et vous en concluez que nous sommes un peuple débauché, païen, adorant peut-être des idoles. Vous ne savez pas que nous croyons tout ce que vous croyez et qu’il n’y a pas un article de foi de la religion chrétienne qui ne soit adopté par nous. Seulement, nous croyons autre chose encore, et nous avons complété la révélation chrétienne par la révélation de Joseph Smith, que nous considérons comme le plus grand bienfaiteur de l’humanité après le Christ.

— Ainsi vous croyez tout ce que nous autres chrétiens nous croyons ? dit le chapelain, non moins étonné que moi.

— Parfaitement.

— Voulez-vous me permettre de m’en assurer mieux encore ? Je vais vous réciter le symbole des apôtres, et vous aurez la bonté de m’interrompre s’il y a quelque article que vous n’acceptez point. »

Ainsi fut fait, et le chapelain récita lentement, d’une voix grave, le symbole des apôtres, le mormon faisant de la tête un signe d’assentiment à chaque article. Quand le chapelain eut fini : « Il y a un article, dit le mormon, que nous acceptons, mais que nous n’interprétons pas tout à fait comme vous. C’est celui de la descente aux enfers. Nous croyons que pendant ce temps le Christ est venu en Amérique apporter la bonne nouvelle à ceux des enfans d’Israël qui étaient venus à travers les mers peupler ce continent. C’est l’histoire de ces peuplades dispersées du peuple de Dieu qui est racontée dans le livre de Mormon, dont l’existence et la découverte furent une des premières révélations de Dieu à Joseph Smith. Nous mettons ce livre au même rang que la Bible et les Évangiles, que nous acceptons dans leur entier. Nous avons les mêmes sacremens que vous, le baptême et la communion dont nous faisons un usage très fréquent. Seulement nous avons conservé le baptême par immersion, tel qu’il était pratiqué dans la primitive église, et nous croyons que c’est une impiété d’en avoir changé la forme.

— Mais alors, dit le chapelain, prenant son courage, si vous acceptez les dogmes du christianisme, vous devez aussi accepter sa morale. Comment pratiquez-vous donc la polygamie ?

— Je vous attendais là, reprit le vieux mormon avec feu. La