Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/341

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autant un parti politique que religieux : pour obtenir l’abrogation des lois de mai, il n’entend ni s’annihiler ni se dissoudre. Or, l’entière soumission aux projets économiques du chancelier et le vote du monopole du tabac risqueraient d’être pour lui plus qu’une abdication, un suicide. Les précaires avantages que le prince de Bismarck prétend leur vendre aussi cher, les amis de M. Windthorst se flattent de les conquérir sur le champ de bataille parlementaire. En attendant, loin de licencier leurs troupes, ils refusent de désarmer, et imitant la tactique même de leur grand adversaire, ils se portent tantôt à droite, tantôt à gauche, selon l’intérêt du moment. Ils nouent et dénouent leurs alliances sans plus de scrupules que le chancelier, se flattant de l’user peu à peu, et par leurs rapides évolutions continuant à lui rendre impossible la formation d’une majorité gouvernementale. Confians dans leur force et sûrs de leur terrain, ils prétendent mieux juger des chances de la lutte des bords de la Sprée que de ceux du Tibre.

Tandis que M. de Bismarck semble enclin à rendre le Vatican responsable de l’opiniâtreté et des manœuvres du centre, le centre encourage le Vatican à la résistance ; il lui recommande de ne céder ni pour les sièges épiscopaux vacans ni pour la déclaration des nominations ecclésiastiques. M. de Bismarck a eu beau faire mine de s’engager sur la voie de Canossa, c’est M. Windthorst et non le pape Léon XIII ou le cardinal Jacobini, qui reste le leader des « ultramontains » allemands.

Dans ces interminables négociations, la curie ne se heurte pas seulement aux intérêts politiques de ses défenseurs laïques, mais parfois aussi aux prétentions, aux rancunes, à l’ardeur belliqueuse de sa milice ecclésiastique. Bien qu’il ait une autorité plus directe sur l’épiscopat et le clergé, le saint-siège ne peut toujours faire taire leur zèle ou leurs susceptibilités ; il ne peut leur faire oublier leurs souffrances ni sacrifier sans compensation au désir de la paix les plus illustres athlètes de ce long combat. Il faudrait de bien grandes concessions de la part de l’Allemagne pour justifier aux yeux de leurs ouailles l’abandon des archevêques de Cologne et de Posen. Puis, quand on trouverait moyen de pourvoir d’un commun accord tous les sièges vacans en droit ou en fait, les nouveaux titulaires pourraient encore parfois se laisser entraîner à des provocations ou des imprudences. On l’a vu récemment par l’exemple du prince-évêque de Breslau ; l’ancien curé de Sainte-Hedwige de Berlin, dont le passé semblait garantir l’avenir, Mgr Herzog, n’avait sans doute pas consulté Rome avant de publier son mandement sur les mariages mixtes. Après une guerre aussi longue et ardente que celle déchaînée par le Culturkampf, le Vatican ne saurait inspirer à tous les combattans d’hier un esprit de paix et de soumission. Quand on a