Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/343

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

italienne, le représentant du pape, sans craindre le scandale des bonnes âmes ou la mauvaise humeur des mondains, avait su nouer d’excellentes relations personnelles avec l’Elysée et le quai d’Orsay, avec des ministres hérétiques ou positivistes. Malgré le parti-pris auquel il se heurtait, en dépit des obstacles inconsidérément jetés sur sa route par quelques-uns de ceux qui eussent dû la lui aplanir, M. Czacki eût remporté des succès s’il avait été en face de véritables hommes d’état, si les affaires se décidaient encore de cabinet à cabinet, et non dans l’ombre des couloirs des chambres ou dans les conciliabules d’anonymes comités électoraux. N’a-t-il pu gagner des adversaires qui ne se sentaient pas toujours la liberté d’agir à leur guise ou l’énergie de céder à leurs secrètes convictions, le dernier nonce n’en a pas moins bien mérité du saint-siège en modérant le zèle imprudent de ses amis et en enlevant des armes à l’hostilité de ses ennemis. N’a-t-il su épargner à l’église certaines épreuves, il a parfois pu contribuer à en tempérer les rigueurs et à éloigner des extrémités auxquelles on semblait pousser des deux bords opposés. Il a, en tout cas, montré à tous ceux qui ne ferment pas volontairement les yeux que, pour le maintien de la paix religieuse, la France républicaine avait tout profit à rester en relations diplomatiques avec le saint-siège et à ne point dénoncer le traité bientôt séculaire du concordat. N’eût-il rien fait d’autre, le cardinal Czacki n’aurait pas en vain usé ses forces et compromis sa santé.

De toutes les négociations entamées sous Léon XIII, les plus curieuses et les plus caractéristiques de sa politique, celles qui, dans leur insuccès même, font peut-être le plus d’honneur à son sens pratique, sont les secrètes négociations engagées entre M. Czacki et M. de Freycinet à propos des congrégations, avant l’exécution des décrets de mars. Bien qu’on lui ait attribué peu de goût pour l’esprit de la compagnie de Jésus, Léon XIII n’était assurément pas homme à renouveler envers elle le procédé radical de Clément XIV. La papauté ne pouvait se résigner à pareille amputation que sous la pression unanime des cabinets, alors qu’en cédant à leurs désirs, elle semblait en droit d’espérer le concours actif des gouvernemens. S’il ne lui était pas permis de sacrifier un ordre religieux pour en préserver un autre, Léon XIII s’est gardé d’adopter la politique intransigeante du tout ou rien. Au lieu de se borner à d’impuissantes récriminations ou de brandir l’épée surannée de l’excommunication, il a recouru à la diplomatie. Il ne s’est pas fait scrupule de traiter avec les auteurs des lois sacrilèges ni de paraître leur faire des concessions. Au lieu de venger les jésuites, irréparablement frappés, il a cherché les moyens de sauver les autres