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d’ajourner la seule action militaire où lui appartienne un incontestable avantage ? Dès qu’il abandonne les navires pour gagner la terre, l’assaillant, entassé dans les chaloupes, devient une masse inerte, sans force et sans protection. Le tir de ses vaisseaux, qui le soutient d’abord, a peu d’effet contre les lignes de tirailleurs à peine visibles sur le rivage et contre l’artillerie de campagne, que d’ordinaire protègent les plis du terrain ; quand le corps assaillant approche de terre, les vaisseaux cessent leur feu par peur d’atteindre leurs propres soldats, et c’est réduites à leurs propres moyens que les deux troupes se heurtent, mais entre elles quelle différence ! L’une, si disciplinée soit-elle, condamnée à abandonner tout ordre tactique tandis qu’elle sort de ses embarcations et qu’elle les vide de son matériel, à combattre avec le désavantage des pentes et du tir, enfin, si elle ne réussit pas, à tenter une fuite qui est toujours un désastre ; l’autre, n’ayant qu’à manœuvrer sur un terrain connu, préparé par ses travaux de campagne, maîtresse de ses communications et sûre, quoi qu’il advienne, de sa retraite. Que faut-il pour assurer la victoire à ceux qui possèdent une telle, supériorité ? Le nombre et des concentrations rapides.

Ces conditions révèlent le caractère véritable de la guerre sur le littoral. Défendre les côtes n’est pas soutenir un siège, c’est faire campagne. Il s’agit moins de fortifications que de troupes, et le dispositif qui convient à celles-ci est aisé à déterminer. Le bénéfice du nombre est perdu pour les défenseurs si, dispersés sur l’étendue du littoral, ils ne forment le long des côtes qu’une ligne immense et sans profondeur. Plus ils touchent le rivage, moins ils sont capables de se prêter un appui et de se grouper en masse égale aux masses ennemies. Sur les côtés, comme sur tous les champs de bataille, le seul moyen de porter des troupes où il le faut, c’est de les tenir réunies hors de la zone de l’action, en des lieux stratégiques d’où elles puissent, comme d’un centre, rayonner vers la circonférence. Cela est vrai surtout quand la zone d’action est le littoral ; comme c’est là que l’ennemi peut le moins dissimuler sa marche, là qu’on découvre de plus loin son approche, comme enfin cette présence et ces mouvemens, dès qu’ils sont visibles des côtes ou signalés du large, sont connus, grâce à l’électricité, sur tout le territoire, ce ne sont pas seulement les réserves, c’est toute la force destinée à défendre les positions maritimes qui doit être placée en arrière : il n’est besoin sur le rivage que de vigies. Le nombre et la position des postes stratégiques où ces troupes doivent attendre seront déterminés par le nombre et la position des voies de communication. Il suffit que les défenseurs aient le temps d’arriver au rivage avant l’ennemi. Plus les moyens d’accès seront complets, plus les lieux de concentration pourront être distans les uns des autres et