Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/435

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

acte le concours de plusieurs services destinés à se contrôler mutuellement, soumettre chacun de ces actes à des formes réglementaires et placer l’observation de ces règles sous la surveillance d’autorités multiples, tel est le système d’administration en usage à l’état. Or chacune de ces exigences emploie du personnel et du temps, c’est-à-dire crée des dépenses inconnues à l’industrie. Administrer exige des pouvoirs étendus, des vues générales. Les agens de l’état sont confinés par lui chacun dans sa spécialité, chacun s’y résigne, les uns construisent, les autres achètent ; ceux-ci paient, ceux-là comptent, nul n’administre. L’extrême division des corps devient elle-même une cause de dépenses nouvelles, chacun trouvant dans l’accroissement des dépenses l’accroissement le plus facile de son rôle. Tous savent que leur sort participe de la solidité de l’état lui-même, qu’il leur suffit d’éviter les fautes lourdes pour garder leur situation et que le temps suffit à l’accroître. Sans rivaux qui les menacent, sans désastre qui les attende, ils sont comme soustraits aux conséquences de leurs actes, et rien n’est fait pour les arracher à la torpeur ou à l’excès d’un zèle qui ne compte pas.

La preuve est fournie chaque jour sur toute l’étendue de l’Europe. Aucune entreprise ne concentre des services plus nombreux, plus divers, plus importans que celle des chemins de fer. Dans les pays où elle s’est développée davantage, l’état et l’industrie s’en partagent l’exploitation, et certaines lignes ont connu tour à tour l’un et l’autre régimes. Les statistiques font foi des résultats. Les compagnies gèrent avec une dépense moyenne à peu près semblable de 55 pour 100. Celle de l’état est beaucoup plus variable ; la moindre dépasse de 11 pour 100 celle des lignes privées. S’il faut croire aux chiffres, le pays où les compagnies administrent le mieux et l’état le plus mal serait la France : leurs frais n’atteignent pas 50 pour 100 ; les siens dépassent 83. Il n’en est pas autrement pour la production du matériel naval. Les comparaisons faites par le personnel technique dans les contrées maritimes permettent d’affirmer que le travail accompli dans les arsenaux coûte au moins 20 pour 100 de plus.

Mais le prix n’est pas la seule chose à considérer, ni souvent la plus importante. D’ailleurs la somme payée pour acquérir n’est, à bien examiner, que le commencement du prix : il augmente avec les. frais d’entretien et de réparation que l’objet coûte, et il faut savoir de quelle manière celui-ci a été employé, et combien de temps, pour conclure que la dépense a été légère pu lourde. Le prix est un rapport entre la somme payée et les services rendus, si bien qu’il n’apparaît pas le jour où l’objet est acheté, mais le jour où il est détruit. Or la durée et l’excellence des services se mesurent à la qualité du travail.