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et la muraille, comprenant quatre lits par cabine, recevrait les passagers désireux de faire le voyage d’Egypte : les caliers, ainsi que les matelots chargés de la manœuvre des voiles et des ancres, trouveraient place dans ce même compartiment. Le pont supérieur restait libre : on y fit asseoir les rameurs. Le navire d’Archias était un navire à vingt rangs de rames ; si nous supposons qu’on ait placé dix files de rameurs de chaque bord, nous retrouvons à peu de chose près l’appareil moteur de la galéasse vénitienne restituée avec autant de patience que d’habile industrie par l’amiral Pâris et qui vaut bien la peine que, pour la contempler, on se résigne à gravir les escaliers du Louvre jusqu’aux combles sous lesquels reposent les richesses trop peu connues encore de notre musée naval.

Le fourrage des chevaux fut sur l’Alexandrin rangé le long du bord. De fortes pièces de bois projetées en saillie formaient cependant tout autour du navire une galerie extérieure, mais on crut devoir réserver cette galerie aux bûchers, aux cuisines, aux moulins et aux fours. Quant à la défense militaire, on la jugea suffisamment assurée par l’établissement de huit tours auxquelles, pour nous donner l’illusion du blockhaus moderne, il semble n’avoir manqué que des canons. Faute de canons, Archimède y avait placé des lithoboles qui lançaient à la distance de près d’une encablure des pierres du poids d’environ 80 kilogrammes et des traits de 5 mètres 1/2 de long. Deux de ces tours s’élevaient sur la poupe, deux autres, non moins hautes, se dressaient à la proue ; quatre occupaient le centre du bâtiment. Laissons de côté l’aphrodisium, avec ses trois lits : c’est là un détail de construction tout antique qui n’eut sa raison d’être qu’au temps où la fille de Jupiter avait plus de temples sur les côtes que nous n’y comptons aujourd’hui de phares et de sémaphores.

Muni de quatre ancres de bois et de huit ancres de fer, l’Alexandrin se trouvait en mesure de soutenir bravement l’assaut de la tempête au mouillage ; si quelque fissure se déclarait dans la carène trop rudement secouée, la vis sans fin, inventée par Archimède, intervenait sur l’heure pour élever l’eau introduite dans la cale et la rejeter à la mer. Tout était prévu et jamais armement ne fut plus complet. La caraque, partie de Syracuse pour Alexandrie, arriva sans encombre devant le port ; elle ne franchit, il est vrai, les passes que traînée à la remorque par d’autres galères plus agiles, mais ne fallut-il pas aussi remorquer à Lépante les grosses galéasses de Venise pour les conduire à leur poste de bataille !

Presque à la même époque, Ptolémée Philopator enchérissait encore sur la tentative déjà bien hardie d’Archimède et d’Archias ; il faisait mettre en chantier une tessaracontère. Comment disposa-t-on