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savoir acheté au prix de tant d’avanies fut envié comme un bien que se disputèrent d’innombrables aspirans. Standonc, en sacrifiant toute sa fortune, en puisant dans la bourse de l’amiral de Graville, était parvenu à assurer l’entretien de quatre-vingt-quinze élèves. Touché par le désespoir de ceux qu’il était obligé de refuser, il s’adressa à la charité publique et ramassa de quoi en nourrir jusqu’à deux cents[1]. « Voilà quelle était la vie des pauvres à Montaigu. Le régime des autres valait un peu mieux ; quant aux études, elles étaient les mêmes pour tous. Félibien a tracé, d’après les règlemens de Jean Standonc, le tableau de la distribution d’une journée à Montaigu. Je le donne ici pour montrer de quels efforts de travail on était capable dans ces vieux collèges. « De quatre heures du matin à six heures, leçon ; à six heures, messe ; de huit heures à dix heures, leçon ; de dix heures à onze heures, discussion et argumentation ; à onze heures, dîner ; après le dîner, examen sur les questions discutées et les leçons entendues, ou, le samedi, dispute ; de trois heures à cinq heures, leçon ; à cinq heures, vêpres ; de cinq heures à six heures, dispute ; à six heures, souper ; après le souper, jusqu’à sept heures et demie, examen sur les questions discutées et les leçons entendues pendant la journée ; à sept heures et demie, compiles ; à huit heures, en hiver, coucher, et à neuf heures en été. » Il faut avouer que des gens qui se soumettaient volontairement, pendant plusieurs années, à une pareille discipline de misère et de labeur devaient être doués d’un courage pour souffrir et d’une ardeur pour apprendre à laquelle il semble difficile qu’on puisse rien ajouter. Pour la puissance du travail, les savans de la renaissance ne l’emportaient guère sur ceux du moyen âge. Ce n’est donc pas uniquement à l’attrait des nouvelles études, à la passion que la jeunesse éprouva pour elles, à son désir d’apprendre, à son besoin de connaître qu’on doit attribuer la réforme de l’enseignement au XVIe siècle.

Est-ce à la liberté de penser, que la renaissance a introduite dans toutes les branches du savoir, et qui leur a rendu la vie ? Il est sûr que l’enseignement en profite, comme le reste. Elle anime les esprits et donne aux maîtres et aux élèves plus de goût pour les recherches scientifiques. Mais M. Taurot tait remarquer avec raison que les écoles du moyen âge n’en étaient pas tout à fait privées, que la pensée n’y était pas aussi esclave, aussi enchaînée qu’on le suppose, qu’on lui a toujours laissé une sorte d’espace libre pour se mouvoir et se développer à son gré. À la vérité, les savans étaient forces de respecter certaines croyances, mais les croyances ne gênent

  1. Histoire de Sainte-Barbe, I, ch. XVI.