Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/635

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

La situation financière des communes, en 1878, donnait pour tous les bureaux de bienfaisance une somme d’environ 25 millions 1/2. Le rapport de M. Durangel, en 1871, ne portait qu’un total de 17 millions 1/2. En 1881, le chiffre dépasse 31 millions. Pour une période de dix années, la progression est très importante. S’accentuera-t-elle encore ? Il faut s’y attendre et prévoir pour les budgets communaux une charge qu’il est bien difficile d’évaluer, puisque aux sacrifices directs des localités sous leur forme actuelle devront s’ajouter tous ceux que la transformation du mode d’assistance ne manquera pas de leur imposer dans un court délai. La charité privée vient aujourd’hui grandement en aide à l’assistance publique : mais en sera-t-il de même lorsque de sérieuses entraves seront apportées, comme tout le fait prévoir, à l’exercice de la première, et la seconde ne devra-t-elle pas, coûte que coûte, combler le déficit ? Nous n’avons pas l’intention d’aborder à fond ces graves questions des nouveaux systèmes d’instruction et d’assistance que l’on prétend imposer à notre pays ; nous ne pouvons cependant nous empêcher d’en faire ressortir les périls, au moins en ce qui concerne la situation financière des communes.


IV.

Le but avoué que poursuivent les amis du progrès aujourd’hui est de faire disparaître de l’instruction et de l’assistance l’influence religieuse. Fermer les établissemens scolaires et hospitaliers aux hommes et aux femmes qui portent l’habit ecclésiastique, repousser des bureaux de bienfaisance les membres du clergé, laïciser, comme on dit, l’enseignement et la charité dans le domaine public, d’un autre côté entraver autant que possible le fonctionnement des établissemens privés, tel est le double projet auquel se dévouent avec une obstination invincible les prétendus apôtres du droit moderne et les serviteurs de la démocratie. Si le premier est insensé, le second, ne craignons pas de le dire, est absolument criminel. Mettre Dieu hors de l’école, c’est vouloir tarir les sources de la morale et du bien ; heureusement, c’est tenter une œuvre vaine, car à côté de l’école subsistera la famille où prévaudront les sentimens religieux et où les enfans puiseront les saines notions que l’enseignement public ne leur donnera plus ; mais porter atteinte à l’exercice de la charité privée, l’enlever aux mains qui seules peuvent s’y consacrer, et sous prétexte que l’état a le droit et le devoir de soulager les misères humaines, essayer de réserver le rôle de distributeurs d’aumônes aux agens du gouvernement pour qu’ils y conquièrent