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sans que le public s’en émeuve, que les pouvoirs législatifs le sachent et, jusqu’au moment d’une révélation tardive, sans que le crédit public en souffre, ainsi que l’exposé du budget présenté par M. Léon Say et le rapport de M. Ribot l’ont prouvé. Les communes ne peuvent que recourir à l’impôt direct ou emprunter à ciel ouvert ; mais leurs contributions sont bien lourdes et leur passif est déjà considérable.

La statistique du ministre de l’intérieur pour l’exercice 1878 montrait que, déjà à cette époque, les recettes des communes dépassaient 1,368 millions et leur passif 2,745 millions. Faute de pouvoir établir un total complet pour 1882, nous avons montré que plus de 3,000 communes supportaient une charge de plus de 100 centimes additionnels, près de 10,000 de 50 à 100 et seulement 8,000 de 15 à 30 centimes. La moyenne générale des impositions communales atteignait 48 centimes, près de la moitié de l’impôt direct en plus. Le nombre des centimes imposés, qui était en 1878 de 1,712,000 pour toutes les communes, dans la dernière statistique de 1881, dépasse 1,758,000 centimes. Certes, il serait intéressant de pouvoir chiffrer le produit de ces centimes et d’en connaître la valeur non-seulement moyenne, mais communale, afin d’apprécier la part si différente des uns et des autres, mais, quoi qu’il en soit, on en sait assez pour comprendre que les budgets communaux ajoutent aux 3,700 millions du budget général une surcharge qui permet de dire que, de tous les grands états, c’est la France le plus imposé. La moyenne, pour chacun de ses habitans, est de 110 francs d’impôts ; pour l’Angleterre, l’Amérique, l’Allemagne, la Russie, l’Italie et l’Autriche, elle ne dépasse pas 60.

Que si, nonobstant cette progression constante des sacrifices demandés à chacun, on rappelle les promesses contradictoires faites au public de grands travaux nécessaires et de dégrèvemens importans, le moment ne sera-t-il pas venu de prêter une oreille plus attentive aux timides recommandations de prudence faites par les fonctionnaires mêmes chargés du travail des statistiques, et les représentans du pays ne semblent-ils pas aujourd’hui mis en demeure de faire preuve de résistance et de sagesse financière ? Lorsque l’exposé de M. Léon Say sur l’exagération de la dette flottante vint jeter la lumière dans les esprits, les anciennes illusions se déchirèrent et il parut impossible de lancer notre pays dans de nouvelles aventures. Mais les besoins de popularité reprenant leur empire et les jours s’écoulant, les grands projets se représentent à nouveau : la question des chemins de fer, qu’on a cru un moment tranchée par une solution qui concilierait à la fois l’intérêt particulier et l’intérêt général, est reprise avec une passion nouvelle, que la présence