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et à ces renforts, la garnison placée sous les ordres de Nicole Paynel, lieutenant du bâtard d’Orléans, réussit à repousser toutes les attaques des Anglais. Bientôt même elle prit à son tour l’offensive et, dans les premiers mois de 1425, elle fit une sortie où le commandant en chef des forces assiégeantes, Nicolas Burdett, bailli du Cotentin et capitaine de la bastille récemment construite à Ardevon, fut fait prisonnier.

Les Anglais, de leur côté, ne se laissèrent pas décourager par ce nouvel et honteux échec. Ils chargèrent Robert Jolivet, abbé du Mont-Saint-Michel, de prendre en main la direction des opérations du siège, en remplacement de Nicolas Burdett. L’abbé renégat qui, cinq ans auparavant, avait déserté son poste pour se mettre au service des ennemis de son pays, fut envoyé en basse Normandie avec le titre de commissaire spécial pour le recouvrement du Mont-Saint-Michel. Il fut autorisé à lever de nouvelles troupes et à prendre toutes les dispositions qu’il jugerait convenables pour triompher de la résistance des assiégés. En vertu de ces pleins pouvoirs, Robert eut soin, dès le début de sa mission, de renforcer les gens d’armes employés au blocus du Mont-Saint-Michel du côté de la terre. Les opérations ne furent pas poussées avec moins de vigueur du côté de la mer. Du 17 mars au 20 juin 1425, une flottille imposante fut rassemblée, équipée et amenée devant le Mont pour en compléter le blocus de concert avec les troupes de terre. Cette flottille, qui ne se composait pas de moins de vingt navires, comprenait une « bourque, » deux « barges, » deux nefs, huit baleiniers ou galiotes et six autres bateaux de moindre tonnage. Quelques-uns de ces navires avaient été frétés dans les ports de la haute ou de la basse Normandie, à Dieppe, à Rouen, à Caen, à Granville, à Blainville ; mais d’autres étaient de provenance anglaise et avaient été armés à Londres, à Orwell, à Millbrook, à Winchelsea, à Portsmouth, à Southampton et à Guernesey. L’un d’eux même et le plus considérable, appartenait à la hanse teutonique et avait pour patron un armateur de Danzig. Afin de mieux assurer l’unité d’action militaire, Jean, duc de Bedford, réunit dans la même main, à la date du 21 mai 1425, le commandement de ces forces de terre et de mer et le confia à l’un des plus grands seigneurs d’Angleterre, Guillaume de la Pole, comte de Suffolk. De tels préparatifs indiquaient bien que les assiégeans tentaient cette fois un suprême effort, et l’on voit qu’ils n’avaient rien négligé pour remporter la victoire. Jamais, depuis sept ans qu’elle tenait tête à l’ennemi, la poignée de Français enfermés dans le Mont-Saint-Michel n’avait été serrée de si près ; jamais elle n’avait été attaquée ainsi de tous les côtés à la fois et par des forces aussi écrasantes.