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ont tant contribué à leur développement. » M. Mignet a procédé ainsi pendant un demi-siècle, déployant dans l’histoire contemporaine comme dans l’histoire du passé autant de science que d’équitable mesure, menant la vie d’un sage fidèle aux généreuses convictions de sa jeunesse. En cherchant aujourd’hui le repos dans une retraite honorée, il laissait un héritage difficile que l’Académie des sciences morales n’a point hésité à transmettre d’une voix unanime à M. Jules Simon, et le nouveau secrétaire perpétuel avait certes tous les titres à recueillir la succession, M. Jules Simon, avec son talent séduisant, est fait pour être dans la paisible enceinte de l’Institut, comme il l’est sur une autre scène, le gardien des traditions françaises de tolérance et de libéralisme.

La science et l’étude sont toujours de grandes conseillères de la paix. On retrouve la guerre ou les agitations et les disputes avec la politique telle qu’elle est engagée un peu partout. Ce n’est point, sans doute, que pour le moment la guerre paraisse être dans les intentions de ceux qui disposent de la destinée des peuples, qui ont le pouvoir ou la prétention de diriger les événemens ; mais il est bien clair qu’il y a depuis longtemps en Europe assez de questions indécises, assez de difficultés et de confusions dans les rapports, assez d’antagonismes mal déguisés, pour qu’on ne sache pas toujours à quoi s’en tenir, pour que le moindre incident devienne le prétexte de polémiques et de commentaires qui, le plus souvent, il est vrai, dépassent la réalité. Ces affaires d’Egypte qui restent toujours en suspens, par exemple, comment se termineront-elles ? Où en est l’Angleterre de cette création d’un ordre nouveau qu’elle s’est proposé d’établir dans la vallée du Nil ? Quel sera le dénoûment des négociations que le cabinet de Saint-James poursuit avec la France, avec la Sublime-Porte ou avec les autres gouvernemens ? Serait-il vrai qu’on en revînt bientôt à remettre en mouvement la conférence de Constantinople, si brusquement interrompue dans ses délibérations, il y a six mois, par le canon anglais ? Évidemment ni M. Gladstone, ni lord Granville ne semblent pressés de s’expliquer sur tous ces points, pas plus sur la nature de la mission confiée à lord Dufferin que sur les négociations engagées avec les autres puissances. M. Gladstone met plutôt jusqu’ici toute la subtilité d’une savante tactique à éluder les interpellations dont il est assailli dans le parlement, et si le premier ministre de la reine Victoria se montre si réservé, c’est qu’il n’a encore rien de précis à dire. Cela ne peut pas signifier cependant qu’entre la France et l’Angleterre il y ait des dissentimens inconciliables à propos de l’Egypte ; cela veut dire tout au plus que la question n’est peut-être pas aussi simple qu’on l’aurait cru, qu’elle a pu se compliquer en chemin d’un certain nombre de questions délicates, quoique secondaires, et qu’il faut