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prunt, pour combler un déficit assez important. En un mot, les finances prussiennes sont pour le moment en désarroi. Ce qu’il y a de caractéristique, c’est la ténacité avec laquelle M. de Bismarck poursuit à travers tout l’application de son système fiscal, économique ou social qui consiste à dégrever particulièrement les classes inférieures, à diminuer l’impôt direct qui pèse sur les dernières catégories des contribuables, en demandant de plus en plus les ressources de l’état aux impôts indirects. Ce n’est pas la première fois que le chancelier propose son système, ses projets économiques. Il n’a pas tout à fait réussi encore à imposer ses idées. Sera-t-il plus heureux avec le nouveau Landtag ? Cela dépend de l’appui qu’il trouvera dans le centre catholique, et c’est ce qui faisait l’intérêt des déclarations impériales sur un autre point, sur la politique religieuse. L’empereur Guillaume, il est vrai, parle avec cordialité des relations diplomatiques avec le Vatican, et il n’est point impossible que l’Allemagne soutienne un peu le saintsiège contre l’Italie dans l’interprétation de la loi des garanties ; mais en même temps la politique prussienne, dans ses propres affaires, n’entend pas se dessaisir de ses « lois existantes, » c’est-à-dire des lois de mai. En d’autres termes, M. de Bismarck prétend bien rester toujours le maître de ce qu’il fera. Or c’est là justement la question. Le chancelier ne peut guère avoir une majorité pour ses combinaisons fiscales qu’avec le concours des catholiques du centre ; il ne peut obtenir ce concours que par des concessions auxquelles il s’est refusé jusqu’ici, et, à défaut de cet appui, se tournât-il encore une fois vers les nationaux-libéraux, il ne peut pas espérer une majorité. Voilà la difficulté que le discours impérial ne résout pas et qui ne sera peut-être tranchée que par quelque apparition décisive du tout-puissant solitaire de Varzin.

Qu’en sera-t-il, d’un autre côté, de ce nouveau parlement qui vient d’entrer en scène à Borne, qui inaugure la quinzième législature italienne ? Quel est le vrai caractère du discours par lequel le roi Humbert a ouvert la session nouvelle au lendemain de l’éclatant succès du ministère ou, pour mieux dire, du président du conseil, M. Depretis, dans les élections ? Assurément, dans ce discours que le roi a prononcé, mais dont le ministère seul est responsable, il y a bien des choses ; rien n’y manque, ni les coinplimens, ni les promesses, ni les amplifications un peu naïves, ni les témoignages de satisfaction pour tout ce qu’on a fait, ni les évocations des souvenirs de « l’Italie romaine. » La seule difficulté est de dégager de cet ensemble un peu touffu une politique à demi précise, faite pour rallier une majorité dans un parlement tout nouveau, issu d’un suffrage presque universel. Au fond cependant, à considérer de plus près l’état des esprits au-delà des Alpes, en se rappelant ce discours sensé et prudent de Stradella, qui