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jamais que les noms de Masséna, de Soult, de Ney, de Lefebvre et d’Augereau. La loi avait bien pu interdire aux anciens nobles de prendre les titres sous lesquels ils avaient été si longtemps désignés, elle était impuissante à détruire en eux l’orgueil de race, et ils s’indignaient des exigences de l’empereur, qui contraignait certaines familles de vieille noblesse à donner leurs filles en mariage à quelques-uns de ses propres anoblis.

Louis XVIII, en rentrant en France, voulut rapprocher les deux noblesses. Il ne pouvait manquer de rétablir dans leurs titres les gentilshommes qui lui étaient demeurés fidèles. D’autre part, la politique l’obligeait à reconnaître les nobles d’origine impériale comme il reconnaissait la Légion d’honneur. L’article 71 de la charte octroyée porte ces mots : « La noblesse ancienne reprend ses titres ; la nouvelle conserve les siens. Le roi fait des nobles à volonté, mais il ne leur accorde que des rangs et des honneurs, sans aucune exemption des charges et des devoirs de la société. » Les deux noblesses étaient ainsi mises sur le pied de l’égalité, bien que le système des dénominations nobiliaires qui y était adopté ne fût point identique et qu’elles reposassent sur des principes d’un caractère quelque peu différent. Malgré ce rapprochement commandé par la politique, la vieille noblesse garda tout d’abord son dédain pour la noblesse de création impériale. Plusieurs des nobles qui avaient reçu des titres de Napoléon Ier se hâtèrent de reprendre leur nom de famille et la qualification nobiliaire qui y était attachée sous l’ancien régime. Le gouvernement royal affecta de préférer ces vieilles dénominations, comme il mettait fort au-dessus de la Légion d’honneur les ordres du Saint-Esprit, de Saint-Michel et de Saint-Louis, qu’il avait rétablis. Les royalistes, de leur côté, témoignaient peu de considération pour la décoration instituée par l’usurpateur, dont l’effigie en avait disparu pour faire place à celle d’Henri IV. Mais la société sortie de la révolution, les habitudes et les idées qu’elle avait introduites furent plus fortes que l’opposition des ultras aux concessions de Louis XVIII.

La noblesse impériale sut promptement faire sa place à côté de celle de vieille origine, et les membres de l’une et de l’autre se rencontrèrent à la chambre des pairs, où ils siégeaient sur les mêmes bancs. Plus d’un ancien dignitaire de l’empire devint le favori et le familier du roi, et se mêla aux gentilshommes qui l’avaient suivi en émigration. Des alliances entre familles nobles de vieille et de récente origine scellèrent ce rapprochement. La fusion commença alors à s’opérer entre les deux noblesses. Des anoblis de Napoléon Ier reçurent de la Restauration un titre nouveau, d’un degré supérieur et emprunté à l’ancien vocabulaire féodal. Des comtes de l’empire furent