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alors pour la plupart les titres de leur père suivant la hiérarchie établie par l’ordonnance de 1817. Les frères, les neveux s’arrangeaient entre eux à l’amiable sur ce point, et il en résulta de nouvelles usurpations. Quoique Louis-Philippe ait été fort sobre en matière d’anoblissement, l’absence de contrôle sur le port des titres, la tolérance que l’on montra pour des usurpations manifestes, l’abandon des poursuites contre ceux qui s’arrogeaient un nom ou une qualification ne leur appartenant pas, amenèrent sous son règne un désordre plus grand qu’il n’était sous le gouvernement de la branche aînée et dont la vanité des parvenus se trouva fort bien. On n’observa plus guère les règles de l’ordonnance de 1817. On vit, par exemple, dans diverses familles titrées, tous les fils prendre la qualification nobiliaire de leur père, et du vivant même de celui-ci. Dans telle famille, le fils d’un comte s’intitulait vicomte ; dans telle autre, il s’appelait simplement baron. D’après les règles de l’ordonnance de 1817, le second fils d’un baron ou le troisième fils d’un vicomte n’aurait dû, du vivant de son père, porter aucun titre nobiliaire, la hiérarchie consacrée par cette ordonnance s’arrêtant à la qualification de chevalier. Tout au plus ce fils puîné eût-il pu porter le titre d’écuyer, le plus modeste de ceux que présentait la terminologie nobiliaire de l’ancien régime. Mais ce titre, tombé assez bas, n’était plus prisé ; c’était le seul que l’on n’eût pu ressusciter. D’un autre côté, le titre de chevalier tendait à perdre presque toute sa signification nobiliaire, parce qu’il se confondait avec celui de chevalier de la Légion d’honneur, dont Louis XVIII avait singulièrement multiplié les brevets, disait-on, pour le déconsidérer ; aussi, bien des chevaliers de l’empire s’étaient-ils empressés de solliciter du roi le titre de baron. Les cadets ne se souciaient donc pas d’une qualification qui les eût mis fort au-dessous de leurs aînés, et cependant ils prétendaient à une part dans l’héritage du titre nobiliaire paternel. Ils s’arrogèrent en conséquence des titres qui. ne leur appartenaient pas, et sans souci de l’ordonnance de 1817, ils en prirent un quelque peu à leur fantaisie. Quoique le lustre attaché à toutes ces qualifications nobiliaires se fût singulièrement affaibli par la facilité avec laquelle on les obtenait, l’ardeur à s’en décorer n’avait pas pour cela diminué ; elle s’observait surtout chez les personnes qui tenaient à déguiser leur origine plébéienne afin de pouvoir frayer avec la vieille noblesse. Celle-ci se montrait de moins en moins difficile pour accueillir les titrés de fraîche date, car elle commençait à ne plus guère connaître la composition de sa caste, dépourvue qu’elle était des moyens de s’assurer de l’authenticité des parchemins. Les généalogistes officiels n’existaient plus ; il s’en était improvisé d’autres plus coulans en matière de preuves, et qui spéculaient sur la vanité de bien des gens. Qui grillait du désir d’être