Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 54.djvu/801

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et les orphelins. Tant qu’il n’avait point été armé chevalier, le noble ne pouvait servir que comme assistant d’un chevalier, que comme son varlet ou son écuyer. C’est ce qui explique pourquoi le titre de chevalier devint un titre d’honneur qui ne pouvait se prendre qu’après une investiture solennelle et dont on était fier. Il fut la marque, la qualification de la vraie noblesse. La chevalerie se constitua de la sorte en un ordre de l’état, dont les membres se piquaient de généreux sentimens, se donnaient la mission de défendre les opprimés et de servir les dames. Ce fut, comme on l’appela, le temple d’honneur ; mais elle perdit peu à peu ce caractère élevé, tant parce que les nobles furent loin de se conformer à de si beaux principes que parce qu’on la conféra directement comme récompense à des hommes qui ne suivaient nullement la profession des armes. On attacha les titres de chevalier et d’écuyer à certains offices de magistrature, alors que l’exercice de la justice se détachait du commandement militaire. Le roi créa des chevaliers ès-lois dont la mission n’avait rien de commun avec celle de paraître sur les champs de bataille. De plus, les changemens apportés dans l’organisation des armées par l’institution des troupes permanentes enlevèrent à la vieille gendarmerie française, composée d’abord exclusivement de chevaliers, une grande partie de son importance. Il arriva donc qu’après avoir désigné une sorte de grade militaire, le titre de chevalier ne fut plus qu’une appellation indiquant la noblesse. Elle s’attacha au gentilhomme de vieille, d’illustre famille, qui s’en parait quand il avait atteint sa majorité. Aussi les rois ne conférèrent-ils d’abord ce titre qu’aux nobles des grandes maisons, à ceux qui, par leur fortune ou leurs exploits, s’étaient placés au premier rang. On veillait à ce qu’il ne fût point usurpé par de petits nobles sans avoir et sans notoriété. Une ordonnance de 1270 porte que nul ne peut être chevalier s’il n’est gentilhomme de parage, autrement le roi et le baron avaient le droit de lui couper ses éperons dorés, insignes du chevalier, les écuyers ne pouvant alors porter que des éperons argentés. Ceux-ci cessèrent également de représenter les jeunes servans d’armes des chevaliers dont l’emploi commençait au reste à tomber en désuétude. Comme le gentilhomme qui n’avait point été armé chevalier gardait la simple qualification d’écuyer, celle-ci finit par être donnée aux gentilshommes de mince extraction. La noblesse se trouva par là partagée en deux classes, la noblesse de chevalerie et celle qui ne pouvait prendre que le titre d’écuyer. L’ensemble constitua ce qu’on appela les gens de qualité. Il ne fut plus besoin d’une réception solennelle, d’un cérémonial spécial, comme cela avait été par le passé, pour être déclaré écuyer ou chevalier. Des lettres-royaux suffisaient à celui auquel l’un ou l’autre titre était conféré, et le gentilhomme put