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s’acquittèrent pas toujours habilement de leur tâche, et dont la compétence fut d’ailleurs souvent entravée par les parlemens et d’autres cours, qui prétendirent, en maintes circonstances, que l’affaire était de leur ressort.

La France n’était pas le seul pays où les abus, en ce qui touche la noblesse, se fussent glissés. Nos voisins avaient aussi à s’en plaindre. Dans les états espagnols, aux Pays-Bas et en Franche-Comté, les bourgeois propriétaires de fiefs se donnaient indûment des qualifications nobiliaires. Des ordonnances furent rendues par Philippe III et Philippe IV pour régler ce qui touchait au port des titres et des armoiries et interdire les usurpations. On sévit toutefois dans ces contrées avec moins de rigueur ; on se montra moins exigeant pour les preuves. Aussi, lors de la réunion à son royaume de la Flandre et de la comté de Bourgogne, Louis XIVe dut-il laisser à leurs habitans le bénéfice de cette législation plus indulgente.

Il fallait des mesures générales et sévères pour arrêter le mal que les édits n’avaient pu extirper. Louis XIVe ne se contenta pas de confirmer par de nouvelles déclarations celles de ses prédécesseurs et d’infliger de fortes amendes aux délinquans ; il ordonna dans tout le royaume une recherche des usurpations de noblesse et une vérification de tous les titres nobiliaires. Un arrêt du conseil d’état du 9 mars 1662 prescrivit cette recherche, en vue, y était-il dit, de soulager les sujets taillables du roi. Il n’y eut d’excepté que les provinces de Béarn et de Navarre, dont on tenait à respecter les franchises. C’était un vrai travail herculéen qu’il s’agissait d’accomplir, car on était en face d’une hydre à têtes toujours renaissantes qu’il fallait abattre. Dans quelques provinces, on avait déjà pris les devans et l’œuvre avait été entamée dès le mois de mars 1655. L’opération dura plus d’un demi-siècle, car la recherche, plusieurs fois suspendue, puis reprise, ne fut définitivement close qu’en juillet 1718. La vaste enquête ordonnée par Louis XIV se heurta à bien des difficultés. Elle eut à triompher de mille intrigues, à surmonter des oppositions de toute nature. Sous l’administration de Colbert, on s’aperçut que les traitans chargés de la recherche des usurpations de noblesse s’étaient souvent laissé corrompre pour accepter des pièces supposées ou des preuves dérisoires. Par contre, les véritables nobles avaient eu à subir des vexations de ces mêmes traitans qui, voulant les obliger à financer, se refusaient à reconnaître la validité de leurs titres. En 1702, le gouvernement constatait que bon nombre de faux nobles avaient été maintenus, tandis que des gentilshommes du meilleur aloi ne pouvaient parvenir à obtenir que leurs titres fussent acceptés. On dut charger les intendans de province et des commissaires à ce départis de reprendre le travail. Il leur fut enjoint de veiller à ce que les roturiers ne s’attribuassent aucune qualification