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la famille noble une situation de fortune qui lui permît de tenir son rang. C’était par l’ensemble de ces nobles ayant institué pour leurs fils un majorat que l’empereur entendait ressusciter l’aristocratie. Le décret du 1er mars 1808 sur les majorats s’exprime ainsi en parlant de la noblesse : « L’objet de cette institution a été non-seulement d’entourer notre trône de la splendeur qui convient à sa dignité, mais encore de nourrir aux cœurs de nos sujets une louable émulation en perpétuant d’illustres souvenirs et en conservant aux âges futurs l’image toujours présente des récompenses qui, sous un gouvernement juste, suivent les grands services rendus à l’état. » Par l’établissement de ces majorats, Napoléon permettait à l’ancienne aristocratie d’entrer dans la noblesse. Le sénatus-consulte du 14 août 1806 et les statuts du 1er mars 1808 n’avaient exclu personne du droit de faire une demande de création de majorat. Plusieurs membres de l’ancienne noblesse sollicitèrent des titres de l’empereur et les obtinrent. Napoléon tenait singulièrement à réunir autour de lui ces gentilshommes de vieille race, dont la présence à sa cour semblait apporter au trône impérial le prestige d’antiquité qui lui manquait. Dans le rapport qu’il avait été chargé par son maître de lui adresser touchant le renouvellement de la noblesse et le rétablissement des titres héréditaires, Cambacérès proposait formellement, comme moyen d’entourer le trône impérial d’une splendeur convenable à sa dignité, de rapprocher de la nouvelle dynastie des familles respectées et illustres et de les intéresser ainsi au maintien du nouvel édifice. L’institution de la noblesse devait, pour reproduire les paroles de l’archichancelier, « former comme un faisceau de toutes les familles qui étaient l’objet de la considération générale. » « C’est, ajoutait-il, un cercle qui ne doit laisser hors de son enceinte aucun point autour duquel l’opinion publique puisse s’égarer. » Quand Cambacérès parlait ainsi, le décret du 1er mars 1808 avait déjà paru. On était au 30 juin 1810. L’archichancelier craignait, comme il le confesse dans son rapport, de voir la nouvelle noblesse se trouver isolée dans le pays. « Il s’agit encore, ajoutait-il, tout en créant de nouveaux nobles parmi les fonctionnaires, d’associer plusieurs des anciens nobles à la nouvelle institution en subordonnant cette association à des réserves et à des modifications que la prudence commande. « Il était à redouter, selon lui, que si l’on n’admettait point les anciennes familles nobles illustres dans la nouvelle noblesse, il ne subsistât à côté de celle-ci une noblesse d’opinion, distincte de celle instituée par le souverain et qui jouirait d’une considération indépendante de ses faveurs. Napoléon partageait cette manière de voir, et Cambacérès, en lui tenant un pareil langage, ne faisait que se conformer à ses vues. On en a la preuve dans des notes que l’empereur lui dicta au sujet de l’institution de la nouvelle