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sous la main un livre nouveau rempli d’observations profondes et de vues originales. Il est écrit par un des maîtres de la tribune italienne, qui a plus d’une fois occupé le pouvoir et qui, pendant de longues années, a illustré dans son pays ce régime, dont il nous dévoile les imperfections et les dangers : Marco Minghetti.


II.

J’indiquerai tout d’abord ce que je veux essayer de démontrer, en rappelant uniquement des faits contemporains. Le gouvernement parlementaire est nécessairement un gouvernement de partis, car plus dans un pays les partis sont nettement séparés et fortement organisés, mieux marche l’administration des affaires. Et, d’autre part, la prédominance de l’esprit de parti offre de graves inconvéniens et de sérieux dangers. Les difficultés inhérentes au régime parlementaire sont grandement accrues quand l’organisation de l’état est très centralisée, et elles deviennent bien plus redoutables encore quand cet état centralisé s’est constitué en république. Dans les pays où le régime républicain est établi d’une façon stable, la Suisse et les États-Unis, on ne trouve ni la centralisation ni le régime parlementaire à l’anglaise. Il s’ensuit que, si l’on veut sauver la liberté et le régime parlementaire, il faut chercher le moyen d’obvier aux vices qui, dans sa forme actuelle, peuvent leur devenir mortels.

Pour se convaincre que le gouvernement parlementaire est nécessairement un gouvernement de partis, il suffit de comparer la façon dont il fonctionne, d’un côté, en Italie, en Grèce, et en France, où il n’y a point de partis fortement organisés, et, de l’autre côté, en Angleterre et en Belgique surtout, où deux partis nettement séparés se disputent le pouvoir.

En Italie, il n’y a point de partis, il n’y a que des groupes. La droite, la gauche et le centre pensent de même sur toutes les grandes questions. Presque tous les membres de la chambre veulent la liberté, le maintien de la constitution et de la maison de Savoie ; tous sont partisans des idées modernes ; nul ne veut rétablir l’ancien régime. Les cléricaux, qui ont pour but de rendre Rome au pape et de restaurer l’ancien régime, formeraient un vrai parti dissident, mais ils ne sont pas représentés au parlement. Comme il n’existe pas de partis ayant un programme arrêté, une platform, imposé à tout candidat au moment de l’élection, il s’ensuit que chaque député a ses idées particulières en fait d’impôts, d’enseignement, de réformes intérieures ou de politique étrangère, et qu’il se croit autorisé à les faire prévaloir, sans tenir compte de ceux qui voteront avec lui. De là résultent des groupemens inattendus et