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le régime de leurs cours d’eau, dont le débit, croissant avec l’étendue du bassin parcouru, a été suffisant pour compléter à peu près le travail du nivellement des thalwegs, comblant les dépressions, creusant les seuils, déterminant en tout cas pour chaque bassin fluvial une artère centrale d’écoulement aboutissant à l’Océan.

Dans la zone centrale, au contraire, le travail géologique est à peine ébauché. La plupart des fleuves alimentés à leurs sources par les neiges et les glaciers des chaînes culminantes voient leur débit décroître à mesure que leur cours se prolonge et parfois se perdent dans des bassins fermés qu’ils ne peuvent mettre en communication avec l’Océan.

Les limites de séparation de ces trois zones, déterminées surtout par les considérations prédominantes du climat, n’en concordent pas moins le plus souvent avec celles qui résultent du relief.

La limite septentrionale se prolongeant sans discontinuité depuis le Portugal jusqu’à l’Océan-Pacifique, très accentuée dès l’abord dans l’Europe occidentale et centrale, s’affaisse en collines en général peu élevées en Russie et en Sibérie. Sur tout le parcours, les communications de versant à versant sont habituellement faciles, soit par le peu d’élévation, soit par les coupures, qui, comme le seuil de Naurouze, la trouée de Belfort, les portes du Danube, s’ouvrent à travers les hautes crêtes. Les barrières naturelles n’ont alors offert, de ce côté, aucun obstacle sérieux aux relations pacifiques ou hostiles, qui, de tout temps, ont existé entre les populations des deux zones contiguës, dont l’histoire embrasse celle de toutes les civilisations avec lesquelles la nôtre n’a jamais cessé de se trouver en rapport depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours. Il en a été autrement de la frontière méridionale, où la ligne orographique, discontinue et remplacée en son milieu par les rives de l’Océan-Indien, est constituée, à l’est, en Asie, par les plus hautes montagnes du globe ; à l’ouest, en Afrique, par les déserts tout aussi infranchissables du Sahara.

En arrière de ces remparts, ont pu se développer, dans un état de civilisation avancée en Asie, de barbarie en Afrique, des populations distinctes longtemps privées de toute relation avec les autres régions du globe. Une profonde coupure partageant la zone centrale en son milieu, la Mer-Rouge, ouvrait cependant une communication facile entre les deux zones extrêmes. Mais cette voie naturelle, toujours peu fréquentée, longtemps délaissée pour la route maritime beaucoup plus longue du cap de Bonne-Espérance, n’a pris de sérieuse importance que de nos jours, depuis que l’industrie moderne a su débarrasser des vases qui en obstruaient le seuil cette porte du sud et de l’extrême Orient.