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dissimulées, a conclu au rejet de l’entreprise. Je partage complètement son avis au point de vue pratique, mais je ne saurais l’adopter sans réserve quant à l’influence théorique que la réussite de l’opération pourrait avoir sur le climat. On a émis à cet égard les opinions les plus contradictoires. Les considérations générales dans lesquelles je viens d’entrer sur le régime météorologique de la grande zone de terres saches au milieu desquelles se trouve le Mel-Rir, nous permettent d’apprécier l’influence de la mer intérieure.

Au point de vue de l’ensemble de la région, cette influence serait mesurée, par l’augmentation de surface évaporante ou plus exactement d’eau évaporée, par le rapport de 1,000 mètres cubes résultant de la cuvette du Mel-Rir, à 180,000 mètres cubes résultant de la cuvette de la Méditerranée. Il serait toutefois plus exact d’admettre que cette influence se ferait ressentir dans le sens méridien des vents dominans, substituant une longueur de 100 kilomètres de surface d’évaporation à une égale étendue de surface desséchante, sur le parcours total de 3,000 kilomètres de terrains de cette nature qui existent entre le golfe de Guinée et la Méditerranée ; cette action, en la doublant pour tenir compte du changement de signe, augmenterait de 1/15, tout au plus, l’état hygrométrique moyen de l’atmosphère. Telle est la proportion suivant laquelle les vents du nord deviendraient moins desséchans vers le sud dans le Sahara, les vents du raidi moins brûlans sur les plateaux de l’Algérie.

Quant à l’action immédiate sur les rivages de la mer intérieure, elle serait tout aussi insignifiante. La vapeur produite journellement, mêlée à la masse de l’air atmosphérique, emportée par les vents régnans, le plus souvent irait rejoindre le courant équatorial ascendant ; plus rarement viendrait se mêler aux vapeurs de la Méditerranée. En aucun cas, elle ne se résoudrait sur place en pluies abondantes ; tout au plus pourrait-elle déterminer sur les rives du lac une atmosphère plus humide et plus brumeuse parfois, qui rendrait le pays plus insalubre, mais ne le rendrait pas agronomiquement plus productif. À cet égard, il suffit de voir ce qui se passe dans toute l’étendue de la zone climatologique à laquelle appartient le chott Mel-Rir. La Mer-Rouge présente au milieu de cette zone une surface d’évaporation quatre-vingts fois plus considérable, sans produire ni pluie, ni même humidité sur ses rives ; et, plus loin, la mer d’Aral, le lac Balkash, boivent chaque jour des fleuves d’eau douce plus considérables que ne le serait le fleuve salé de Gabès ; sans que le climat de leurs rivages immédiats diffère en rien de l’immensité des steppes dans lesquelles sont enclavées leurs cuvettes.

C’est à regret, je le déclare, que j’arrive, comme bien d’autres avant moi, à cette conclusion complètement négative sur les résultats de l’entreprise projetée. Plus qu’un autre le principe m’en avait