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Au même instant, reparaissait au-dessus de la haie la tête du Français.

— Mille excuses devons déranger encore ! dit-il, mais voici que je trouve au cou de mon chien quelque chose qui ne lui appartient pas ; souffrez que je vous le rende.

C’était le collier de Bingo. Travers le prit et nous l’apporta.

— Ne nous aviez-vous pas dit que ce collier était au cou du caniche quand vous l’avez trouvé ? me demanda-t-il.

Encore un mensonge à faire ! Moi qui étais si fatigué de mentir !

— Oui, répondis-je, avec un certain embarras, il y était en effet.

— Inouï ! prodigieux ! s’écria Travers. Il n’y a pas à douter que ce soit un caniche apocryphe ; mais qu’on le trouve portant le collier du vrai caniche, voilà qui dépasse tout ce qu’on peut imaginer de plus incroyable ! de plus étrange ! de plus invraisemblable ! Comment expliquer cela ? Comment l’expliquez-vous, Mr. Weatherhead, je vous prie ?

— Mon cher, répondis-je, je ne suis pas ici à la barre, appelé comme témoin. Je n’y vois d’ailleurs qu’une simple coïncidence…

— Ce n’est pas moins de la dernière importance, dit Travers avec un sérieux qui me paraissait trop affecté pour être sincère. Tenez, écoutez-moi et suivez bien mon raisonnement : Un chien a été perdu portant à son cou un collier d’argent avec son nom gravé dessus. Quelques jours après, le dit collier se trouve au cou d’un autre chien. Eh bien ! avec cette pièce à conviction nous avons toute chance de voir nos recherches suivies de succès ; il s’agit seulement de se rappeler par le menu comment les choses se sont passées : voilà une affaire comme je les aime !

Je n’en pouvais dire autant !

— Je vous prierai de m’excuser, repris-je d’un air assez penaud, je ne me sens pas très bien ce soir.

Je fus très reconnaissant à Lilian du regard sympathique qu’elle me jeta en ce moment. C’en était assez pour me rendre quelque courage.

— Oui, dit le colonel, nous reviendrons demain pour causer ensemble de cette affaire. Mais voilà de nouveau ce Français et son chien. Que diable veut-il encore ?

C’était bien lui, en effet ; il revenait vers nous en se dandinant ; son visage grimaçant exprimait une joie sardonique.

— J’ai encore d’autres excuses à vous faire, dit-il, pour les dégâts que mon chien s’est permis de faire dans votre jardin.

Je l’assurai que je n’y attachais pas la moindre importance.

— Je crois, reprit-il, en clignotant les yeux d’un air malin, que vous ne direz plus cela quand vous aurez regardé le trou dont il s’agit. Puis il ajouta d’un ton plus élevé : C’est à vous tous, ici présens,