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venir avec moi voir de près cette France dont les Mollien, les Hecquard, les Lambert, avaient parlé à leurs pères et dont ils ne pouvaient soupçonner les richesses et les merveilles.


I.

« On peut discuter, a dit M. Levasseur, sur les difficultés de l’établissement et de l’exploitation d’une voie ferrée jusqu’au Niger, mais on ne peut contester l’intérêt scientifique et politique d’une étude complète des chemins qui y conduisent et des contrées que ces chemins traversent. »

Il était nécessaire, pendant que l’on explorait avec tant de soins la région du Haut-Sénégal, de renouer des relations avec les Pouls, qui commandent toutes les routes qui vont des rivières du Sud au grand fleuve du Soudan. Les Portugais, par leur occupation des Bissagos, les Anglais par leur situation sur la Gambie et à Sierra-Leone, pouvaient conclure un traité avec ce peuple et arriver par son intermédiaire à attirer chez eux les caravanes qui viennent du Haut-Niger. Une mission anglaise, sous les ordres du docteur Guldsbury, gouverneur de la Gambie, avait, à la fin du mois de janvier 1881, quitté Sainte-Marie-de-Bathurst pour se rendre à Timbo. Les Portugais préparaient également une expédition. Le gouvernement français, qui a de si grands intérêts engagés dans les rivières du sud (Casamance, Rio-Nuñez, Rio-Pongo, Piio-Dubreko, Mellacorée) ne pouvait rester inactif. Le parlement vota les fonds nécessaires à une exploration, et je reçus, le 12 mars, l’ordre de M. le ministre de la marine de me préparer à partir.

La saison des pluies allait commencer, je n’avais pas une minute à perdre si je voulais gagner le haut plateau du Fouta-Djalon avant les pluies torrentielles. Le 5 avril, je quittais la France ; le 17 mai, je laissais derrière moi le poste français de Boké, sur le Rio-Nuñez, et je m’engageais avec un intrépide camarade, M. Noirot, et une centaine de porteurs, dans un voyage dont les récits des explorateurs anglais et français qui m’avaient précédé me faisaient entrevoir les difficultés et les périls.

Le 1er juillet, la mission arrivait à Donhol-Fella, résidence de Palmamy Ibrahima Sory, fils d’Almamy Abdoul Gadiri, située au pied des Monts-Coumtat. Le 5, après quatre jours de palabre, j’obtenais l’assentiment de l’almamy et de ses chefs aux propositions que je venais lui faire au nom du gouvernement français, et le 14 juillet nous entrions à Timbo, où l’almamy Hamadou, fils d’Almamy Bou Bakar, apposait sa signature à ce traité, qui plaçait le Fouta-Djalon sous le protectorat de la France, et l’ouvrait à notre commerce. Le nom tout-puissant dans la Sénégambie du vaillant général Faidherbe,