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du droit public. » — « Nos princes, disait au contraire un vieux domaniste, étaient maîtres absolus de tous les biens particuliers ou qui leur appartenaient lors de leur élévation à la couronne, ou qui leur échéaient pendant leur règne. Ces biens, quant à leur nature, n’étaient différens en aucune autre chose de tous les domaines possédés et appartenant aux sujets de leur état. »

Ce n’est pas, nos lecteurs l’ont compris, pour faire étalage d’érudition que nous répondons par des citations précises et dans un langage presque technique à cette partie du second décret du 22 janvier. Le rédacteur de ce décret affiche, en effet, une prétention singulière. C’est en vain, à l’entendre, qu’on lui oppose des lois formelles, la loi du 4 mars 1832, par exemple, déclarant le droit de dévolution incompatible avec les institutions nouvelles et sanctionnant, par voie de conséquence, la donation du 7 août 1830. Ces lois ne sont, à ses yeux, que de seconde catégorie et doivent fléchir devant une loi d’un ordre supérieur, « permanente, » « immuable, » dont les origines se confondent avec celles de la monarchie. Mais tout ce raisonnement, vicieux d’ailleurs à tant d’égards, pèche par la base si les rois de France, pendant la plus longue période de l’ancien régime, sont restés maîtres absolus des biens qui leur appartenaient à leur avènement. Le droit de dévolution, loin d’être inhérent aux institutions monarchiques et soudé, pour ainsi dire, à la monarchie elle-même, n’est plus qu’une modification de notre premier droit public et un accident dans l’histoire de cette monarchie.

La théorie de l’union tacite apparaît dans l’édit de Moulins (février 1566). Mais le chancelier de L’Hospital, qui l’avait rédigé, ne voulut pas, même alors, que l’union se fît de plein droit. On donna dix ans aux rois. On voulut[1] que, pendant ce temps, leur patrimoine particulier fût administré confusément avec le patrimoine de la couronne par les officiers royaux et entrât en ligne de compte. Après quoi ce patrimoine particulier s’unirait au domaine de la couronne. Nous n’en sommes pas encore à la dévolution proprement dite. « On n’a pas trouvé juste, dit un vieil auteur, de mettre nos rois dans une espèce d’interdiction, » ce qui serait arrivé si leur patrimoine eût été au moment même de leur avènement et de plein droit réuni au domaine de la couronne.

Henri III mourut le 2 août 1589. Le 13 avril 1590, Henri IV fit expédier des lettres patentes, par lesquelles il déclara vouloir tenir son patrimoine séparément et distinctement de celui de la couronne.

  1. « Le domaine de nostre couronne est entendu celui qui est expressément consacré, uni et incorporé à nostre coumnne, ou qui a esté tenu et administré par nos receveurs et officiers par l’espace de dix ans, et est entré en ligne de compte. » (Art. 2.)