Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/115

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nombre des dispositions que s’appropriait l’éphémère constitution de 1791. Toutefois, tandis que le décret du 9 mai 1790 avait uni au domaine de la couronne les propriétés foncières du prince, à chaque avènement, la loi de novembre et l’acte constitutionnel réunirent tous les biens particuliers, que le roi posséderait à cette date, au domaine de la nation. On peut s’expliquer désormais sans un grand effort comment la dévolution survit à l’ancienne monarchie. On ne se figure plus que la personne privée du prince entre, à son avènement, comme disaient les domanistes, « dans un nouvel être, dans lequel elle se confond; » nul ne dit mot du « saint et politique mariage : » on est si près du divorce ! Mais on pense assurément que, la nation devant pourvoir à la splendeur du trône par une liste civile, cela doit suffire à tout, et qu’il serait imprudent de laisser de trop grandes richesses entre les mains du roi. Enjubault le console, dans son rapport sur la loi du 22 novembre, en faisant luire à ses yeux la perspective des économies qu’il pourra mettre en poche pendant son règne[1]. C’est encore, si l’on veut, la dévolution, mais la dévolution arrangée à la mode de 1791, c’est-à-dire organisée pour l’appauvrissement du prince et pour l’affaiblissement de la royauté. Le parlement de Paris et le chancelier Sillery, en fondant l’un par son arrêt de juillet 1591, l’autre par son édit de 1607, la « règle immuable » qu’entendait appliquer l’auteur des décrets de 1852, n’avaient pas songé, il est permis de le croire, à ces conséquences de leurs actes. On peut employer les mêmes mots, mais ils ont un autre sens et cachent d’autres desseins : la chaîne est rompue.

Il sera loisible à Napoléon Ier de la renouer. Ni le sénat ni le corps législatif ne songent à lui tailler un manteau dans les haillons de 1791 et, s’il lui plaît de revenir au « saint et politique mariage, » ce sera bientôt fait. Mais le puissant empereur ne consentira pas plus à subir la dévolution de l’ancien régime que celle de l’époque révolutionnaire. Le sénatus-consulte du 28 floréal an XII a déjà posé les bases de la nouvelle monarchie, mais sans rien décider quant aux biens personnels du monarque. Un nouveau projet de sénatus-consulte est donc préparé sur son ordre par Treilhard, Cambacérès, Daru, Regnault de Saint-Jean d’Angély, et s’exprime en ces termes : « Les biens qui forment le domaine privé de l’empereur ne sont, en aucun temps et sous aucun prétexte, réunis de plein droit au domaine de l’état. » Plus de dévolution ! Le projet est soumis au

  1. L’article 9 de la section III du titre III de la constitution de 1791 est ainsi conçu : « les biens particuliers que le roi possède à son avènement au trône sont réunis irrévocablement à ceux du domaine de la nation, il a la disposition de ceux qu’il acquiert à titre singulier; s’il n’en a pas disposé, ils sont pareillement réunis à la fin du règne. »