Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/160

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

venus de Buda-Pesth, lors de la conversion forcée des Hongrois au christianisme; le même souvenir est traditionnellement conservé chez un grand nombre d’habitans de Maglaj et de Techanj. Quoi qu’il soit, il ne règne à Doboj, pas plus qu’ailleurs, une bien grande satisfaction : on y fait très souvent des visites domiciliaires pour voir s’il n’existe pas d’armes cachées, et l’on sait combien ces visites choquent les idées des musulmans et même celles des chrétiens dans ce pays où tout le monde a pris plus ou moins les mœurs du vainqueur mahométan. Un autre grief, c’est que les soldats austro-hongrois ont dévasté pour se chauffer les jardins de pruniers au lieu de prendre du bois ailleurs, et il n’en manque pas ! Enfin ici, comme partout, se justifie le vieil adage :


Notre ennemi, c’est notre maître.


V.


Zienitza, 24 mai.

Après avoir quitté Doboj, le chemin de fer traverse le défilé de Kosna, où les Autrichiens ont livré en avançant leur premier combat sérieux; ils n’avaient rien appris à Doboj et ont. été surpris dans ce vallon entièrement resserré.

On passe ensuite à l’endroit où la Jablanitza, ou rivière des saules, se jette dans la Bosna et l’on arrive à Maglaj, la ville du brouillard[1] où se trouve un château très important de même construction et de même époque que celui de Techanj ; puis on traverse la Bosna. La vallée de cette rivière a dû toujours être le centre de la richesse de la province à laquelle elle a donné son nom. Au fur et à mesure que l’on s’éloigne de Doboj, le sol est de mieux en mieux cultivé. On a quitté la région des pâturages pour entrer dans un pays véritablement agricole, au moins sur les rives du fleuve. Les villages deviennent plus nombreux et les crêtes sont de plus en plus dominées par des ruines de forteresses, indication certaine qu’il y avait un intérêt de premier ordre à être maître de ce passage pour posséder le pays. A partir de Maglaj, la culture commence même à grimper sur le flanc des montagnes, la vallée devenant trop étroite pour les besoins de la population.

Nous arrivons à Zeptche au moment où un nombre considérable

  1. Jablan, saule; Usa, terminaison adjective qui se retrouve dans la composition des noms de villes, de rivières, de montagnes, etc. Magla : brouillard.