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LA
DÉCADENCE DE LA PRUSSE
APRES FREDERIC II

I. Philippson, Geschichte des preussischen Staatswesens ; Leipzig, 1880-1882. — II. Archives des affaires étrangères, Correspondance de Prusse.

« La Prusse est aujourd’hui sur le continent le pivot de la paix ou de la guerre, » écrivait Mirabeau au mois de juillet 1786. La Prusse, c’était Frédéric, et Frédéric allait mourir. Que deviendrait son royaume après lui? L’état qu’il avait rendu si redoutable était-il assez fortement constitué pour se soutenir entre d’autres mains que les siennes? Y avait-il en Prusse, en dehors et à côté du grand souverain qui se mourait, les élémens d’une grande monarchie? Les hommes d’état, les Français en particulier, avaient grand intérêt à savoir à quoi s’en tenir. Frédéric, qui avait été pour la France un allié perfide et un ennemi dangereux, avait fini par vivre avec elle en assez bonne intelligence; mais l’héritier présomptif passait pour fort hostile. Il importait de se renseigner sur les intentions du roi futur et sur les forces réelles dont il disposerait. La mode était aux missions secrètes. Les gouvernemens y croyaient; c’était pour les volontaires et pour les irréguliers de la politique un moyen de montrer leur savoir-faire et de se lancer dans le monde. Les annales de la diplomatie occulte sont émaillées de noms illustres. Il n’y en a point de plus fameux que ceux des deux hommes auxquels la mort imminente de Frédéric fournit, en 1786, l’occasion de débuter dans les confidens et à l’arrière-plan, en attendant le jour très prochain où