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de l’empire. Je n’ai rien à dire de cette administration, puisqu’elle est aujourd’hui supprimée par l’arrivée des Autrichiens, mais je dois examiner la situation nouvelle qui fut faite aux raïas vis-à-vis des begs, car c’est la question bosniaque tout entière, quel que soit le drapeau qui dans ce pays protège l’ordre matériel, quel que soit l’uniforme des soldats qui y tiennent garnison.

Sous l’ancien régime, antérieur à l’insurrection, les engagemens conclus entre les propriétaires et les kmètes ou paysans pouvaient être de deux espèces : ou bien, comme dans le centre et le midi des deux provinces, l’agha fournissait la terre, la maison, les bêtes de trait, les outils agricoles et les semences, et le paysan n’apportait que la main-d’œuvre, et alors le partage se faisait entre eux soit par moitié, soit deux tiers pour le propriétaire et un tiers pour le raïa; ou bien, suivant l’usage ordinaire de la partie septentrionale du pays et surtout dans la Kraïna et la Possavina, les deux districts les plus fertiles de la Bosnie et les plus peuplés de chrétiens, le propriétaire ne fournissait que la terre, et alors le fermier gardait les huit neuvièmes de la récolte.

Cet état de choses qui, bien que dur, pouvait permettre au raïa de vivre, avait été violemment modifié vers 1848, et la tretina ou droit au tiers de la récolte pour l’agha, fut substituée à la devetina (droit au neuvième). On décida bien, il est vrai, que le beg serait partout obligé de fournir, outre la terre, la maison, les outils et les semences ; mais comme en fait les conditions stipulées ne furent pas exécutées par les propriétaires, le kmète fut réduit à mourir de faim. Aussi l’émigration prit-elle des proportions inusitées et plusieurs tentatives de soulèvement se produisirent.

Bientôt après avait lieu l’insurrection musulmane, vaincue par Omer-Pacha ; la féodalité était supprimée, et la Porte croyait le moment venu d’opérer des réformes dans le régime agraire et social de ses provinces slaves.

Elle nomma donc une commission du « tanzimat » pour donner son avis, et en 1859 cette commission proposa et fit approuver par le sultan un règlement dont les principales dispositions étaient les suivantes : 1° Suppression de la corvée. Jusqu’à cette époque, il était d’usage, surtout dans les districts où les propriétaires touchaient moins d’un tiers de la récolte, que les fermiers fussent soumis à un certain nombre de corvées qu’ils étaient obligés de faire sans rémunération, comme de couper et d’amener chez eux le bois nécessaire à la provision des aghas, de transporter leurs personnes et leurs provisions, d’entretenir gratuitement leurs jardins, enfin de leur rendre d’autres services de domesticité. Le règlement de 1859 supprime toutes ces charges et oblige seulement le kmète à transporter au magasin du propriétaire ou au marché le tiers de la