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Mazarin se mit immédiatement à l’œuvre. Il fit présenter un nouveau portrait au roi par M. de Brégy, ministre de France à Varsovie, envoya les renseignemens les plus séduisans sur le caractère et les qualités de la princesse, et ne dédaigna point d’ajouter à ces argumens celui de la dot de 300,000 écus. Menée avec dextérité, la négociation eut un plein succès. On remarqua bientôt que le roi portait constamment sur lui le portrait de Marie ; peu de temps après il faisait annoncer au sénat son intention de la prendre pour femme, et enfin chargeait le palatin d’Enhof de se rendre avec une suite nombreuse auprès de la cour de France pour y porter la demande officielle. Les Parisiens remarquèrent que le jour où la décision royale avait été rendue publique à Varsovie, un aigle s’était abattu sur une des fenêtres de l’hôtel de Nevers. Était-ce l’aigle qui déploie ses ailes et étend ses serres sur l’écusson de Pologne ?

Marie se trouvait chez la reine mère avec une nombreuse compagnie lorsqu’on annonça les ambassadeurs polonais. Elle ne voulut pas assister à l’entrevue et se leva pour sortir ; arrivée près de la porte, un sentiment de curiosité la retint : elle resta et se contenta de se cacher derrière Mme de Motteville. Les ambassadeurs avaient été introduits et débitaient les complimens accoutumés lorsque l’un d’eux la reconnut pour l’avoir vue jadis pendant un voyage et la désigna à ses compagnons. Tous se tournèrent de son côté ; elle dut sortir de sa cachette et se montrer, tout à la fois ravie et troublée, rouge de plaisir et d’émotion. Dès lors Anne d’Autriche la traita en égale. Il fut convenu que le mariage se ferait à Paris par procuration, et que la nouvelle reine partirait immédiatement après pour rejoindre son époux.

Mazarin n’avait qu’à s’applaudir du succès de ses efforts ; pourtant il ne se sentait pas entièrement rassuré sur l’avenir. Transportée dans un milieu inconnu, Marie échapperait-elle à l’ennui et au découragement ? Saurait-elle fixer les goûts d’un mari âgé qui l’épousait sur la foi d’un portrait ? Enfin les imprudences de son passé ne rendaient que trop faciles certaines insinuations malveillantes qui pourraient, à un moment donné, prévenir l’esprit et changer le cœur de Wladislas. Il semblait que, dans ces conditions, il fallût à Marie un guide expérimenté et sûr, possédant le tact et l’autorité nécessaires pour la défendre à la fois contre ses propres défaillances et contre les embûches du dehors. Quelque bien choisi que fût le ministre du roi de France à Varsovie, on pouvait se demander s’il saurait assumer et remplir ce rôle. Marie de Gonzague trouverait assurément en lui une assistance efficace, mais était-il possible de confier à ce diplomate les fonctions de conseiller intime auprès d’une jeune reine ? Une femme de sens et d’expérience eût mieux convenu à ce délicat emploi, mais quel moyen de lui attribuer à la cour de