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bouleversera ce point un grand service public ! Alors qu’il est si difficile de traiter au sujet des 17,000 kilomètres qui ne sont pas encore concédés, comment espérer que l’on négocierait en outre, avec succès et profit, d’abord pour détruire toutes les conventions anciennes qui s’appliquent à 25,000 kilomètres, puis pour répartir entre des compagnies nouvelles ces mêmes 25,000 kilomètres ? Quel est le ministre, quel est le parlement qui se chargerait d’une telle besogne ? Si le régime des chemins de fer était à créer, s’il n’y avait rien de fait, le système des compagnies régionales pourrait être utilement examiné ; en l’état présent des choses, ce n’est qu’un rêve tout à fait irréalisable.

Nous arrivons à une proposition moins radicale, qui émane de l’honorable M. Lesguillier, ancien sous-secrétaire d’état au ministère des travaux publics, ancien directeur des chemins de fer de l’état. Il n’est pas sans intérêt de constater que M. Lesguillier est opposé au rachat et aux compagnies fermières, qu’il demande la conservation du réseau de l’état uniquement à titre de spécimen, qu’il inclinait tout d’abord à négocier avec les grandes compagnies, et que, s’il renonce à cette combinaison, c’est qu’il considère ces compagnies comme intraitables et désespère de les amener à une équitable transaction. M. Lesguillier a bien compris que des compagnies nouvelles, avec leurs lignes éparses et subordonnées aux mouvemens du grand réseau, ne seraient point viables. Il a donc proposé de leur donner vie et force en doublant à leur profit les principales lignes des grandes compagnies, c’est-à-dire en leur concédant environ 3,000 kilomètres de lignes qui seraient parallèles aux lignes les plus chargées et les plus productives des compagnies d’Orléans, de Lyon, de l’Ouest, etc. Par ce moyen, outre que le public serait mieux servi, les lignes actuelles étant devenues ou devant bientôt devenir insuffisantes, les compagnies nouvelles posséderaient une base solide d’opérations, et elles seraient en mesure d’exploiter, avec indépendance et sans trop de désavantage, les lignes secondaires, les tronçons du troisième réseau. Cette proposition, malgré l’autorité qui s’attache à l’opinion de son auteur, ne nous paraît pas acceptable. En premier lieu, elle est inutile s’il s’agit de faciliter sur certains points, par de nouvelles lignes, l’industrie de transports ; car les grandes compagnies n’hésitent pas à solliciter elles-mêmes la faculté d’établir des lignes doubles et parallèles lorsque la surabondance du trafic l’exige. La plupart des concessions obtenues depuis dix ans par les anciennes compagnies n’ont pas d’autre objet. Donc, à cet égard, le public est complètement désintéressé ; il doit même préférer que le service d’une même région soit concentré sous la direction d’une seule