Page:Revue des Deux Mondes - 1883 - tome 55.djvu/960

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

uns des cabinets pouvaient avoir besoin de son concours. La première condition du moins eût été qu’elle pût se faire une opinion, savoir quelles propositions elle pouvait soutenir, quelle conduite elle avait à suivre contre l’Autriche appuyée par l’Allemagne, la Russie, la Turquie, la Roumanie. C’est au contraire le moment où il n’y a pas même en France de ministre des a flaires étrangères, où la direction supérieure manque à notre diplomatie, et où nous sommes gravement occupés à délibérer sur l’expulsion éventuelle des princes, pendant que les autres puissances, qui savent ce qu’elles veulent, traitent entre elles les grandes affaires de l’Europe. Quand un nouveau ministre sera nommé, comme il y a peu de chances pour qu’il soit un diplomate éprouvé, il aura nécessairement à faire son instruction, à se mettre au courant de la négociation, des intérêts en jeu, et avant qu’il ait une opinion à demi formée, la question du Danube sera peut-être résolue. Elle n’est malheureusement pas la seule qui, dans ces derniers temps, ait trouvé notre gouvernement en défaut.

Si l’on veut un exemple de la triste et malfaisante influence que nos confusions et nos divisions de partis peuvent exercer sur l’action extérieure de la France, il n’en est point certes de plus saisissant que cette malheureuse affaire d’Egypte, et ici, pour tout dire, ce n’est vraiment pas la faute du dernier président du conseil, de M. Duclerc. C’est par le chef du précédent cabinet que cette affaire d’Égypte a été perdue pour la France, C’est M. de Freycinet qui, par ses tergiversations, ses subterfuges et ses procédés évasifs du printemps et de l’été de l’année dernière, a tout compromis. Il était lui-même sans doute la victime ou la dupe de toute sorte de préoccupations intérieures. Il croyait satisfaire ou désarmer tout le monde, gagner tous les partis en dérobant ses irrésolutions sous d’habiles discours et de pauvres expédions, en oscillant sans cesse entre une inaction complète et une coopération partielle plus ou moins déguisée à une intervention en Égypte. À quoi cela lui a-t-il servi ? Il disparaissait au mois de juillet dernier, désavoué par ceux qu’il croyait gagner, frappé d’un vote presque unanime par la chambre des députés, et laissant malheureusement à ses successeurs l’héritage d’une politique d’impuissance et d’abdication pour la France, d’une situation irréparablement compromise.

Dès lors, dans les conditions parlementaires et diplomatiques qui venaient de se dévoiler, il n’y avait plus rien à faire. La retraite de la France était consommée. L’Angleterre seule entrait en scène avec-ses forces militaires déjà toutes prêtes, avec la résolution d’aller rétablir l’ordre depuis longtemps troublé à Alexandrie et au Caire. Elle y est allée comme elle l’a dit ; elle a fait sa campagne d’Égypte ! Elle a triomphé sans peine des bandes d’Arabi, et depuis ce moment, c’est évident, elle règne en maîtresse et souveraine dans la vallée du Nil. C’est par elle que tout se fait. C’est sous ses auspices que se recon-