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progrès. » C’est à merveille! Il reste à savoir comment M. le président du conseil et ses collègues entendent tout cela, s’ils se figurent relever le gouvernement, redresser la situation du pays, remettre l’ordre dans les affaires, avec des coups d’arbitraire, des exclusions, des persécutions et des guerres contre les princes ou contre les croyances religieuses.

La politique républicaine que M. Jules Ferry a contribué à inaugurer, qui est certainement aussi la politique de ses principaux collègues dans le ministère d’aujourd’hui, a malheureusement des habitudes et même déjà des traditions qui ne sont pas de nature à rassurer sur ce qu’elle peut se permettre. Elle a un déplorable goût pour tous les moyens de police et les procédés sommaires qu’elle emprunte passionnément aux régimes les plus despotiques d’autrefois, et qu’elle applique souvent à tort et à travers sans se demander si elle a toujours le droit de se servir de ces armes surannées, si d’ailleurs les circonstances n’ont pas singulièrement changé. Qu’arrive-t-il en ce moment même? Le saint-siège, ou plutôt la congrégation romaine de l’index, a cru devoir récemment condamner un certain nombre de ces manuels d’instruction civique qui courent aujourd’hui le monde, qui vont s’imposer aux instituteurs, et qui, il faut l’avouer, à part ce qu’en peut dire l’index, ont l’inconvénient de répandre sous une forme presque obligatoire une instruction fort équivoque. La plupart des évêques se sont faits naturellement les échos des jugemens de Rome, non pas dans des mandemens, mais dans des lettres qu’ils ont écrites à leur clergé. Là-dessus la direction des cultes prend feu et elle défère les évêques au conseil d’état sous prétexte que l’article premier des lois organiques annexées au concordat interdit la publication des bulles, rescrits, encycliques, etc. sans l’autorisation du gouvernement; mais en vérité il faudrait un peu réfléchir avant de se faire, au nom de la république, les imitateurs si zélés des procédés impériaux. Lorsque les lois organiques ont été faites aux premiers jours du siècle, la presse n’existait pas. Aujourd’hui elle existe en toute liberté ; elle a répandu à profusion depuis quelques jours ces jugemens de Rome. Et des évêques seraient obligés d’attendre l’autorisation du gouvernement pour connaître ce que tout le monde sait ! Seuls ils ne pourraient pas avoir une opinion sur des livres qui touchent en effet à l’instruction religieuse ! Seuls des évêques seraient condamnés à se taire avec leur clergé qui lit les journaux ! Il faudrait au moins être sensé, si on ne veut pas être libéral dans l’application des lois. S’il y a des excès de zèle de la part du clergé, on peut les réprimer, et après cela ce n’est pas la peine d’opposer une congrégation laïque de Paris à la congrégation ecclésiastique de Rome, de mettre le conseil d’état dans l’embarras d’avoir à déclarer s’il y a abus dans les jugemens de l’église sur le Manuel de M. Paul Bert.

Autre fait assez récent. M. l’évêque d’Angoulême, suivant une coutume