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un pont antique à trois arches, le Ponte dell’ Olio, l’ancienne station de Pons Aufidi des Itinéraires romains, où la voie Appienne, dans son tracé primitif, traversait le fleuve en allant de Bénévent à Venusia. A une courte distance à vol d’oiseau, de l’autre côté de la vallée, le bourg de Monteverde est pittoresquement situé sur un sommet escarpé, qui forme comme l’avant-poste des montagnes dans lesquelles se cache l’ancienne Aquilonia, l’une des cités du petit peuple des Hirpins.

Nous poursuivons notre route pendant quelque temps encore au travers de beaux bois de chênes jusqu’à ce qu’enfin nous découvrions le Vulture. Cette montagne, chantée par Horace, qui était né dans son voisinage, formait la frontière des trois contrées de l’Apulie, de la Lucanie et du Samnium. C’est un volcan contemporain de ceux de notre Auvergne et éteint dès avant l’aurore des temps historiques, dont la base a 60 kilomètres de circonférence et qui s’élève à une altitude de près de 1,600 mètres. Les flancs en sont couverts de forêts où abondent les sangliers, les chevreuils et les loups. Le sommet est occupé par un large cratère qui s’ouvre en face de Carbonara, sur la vallée de l’Ofanto, et de tous les autres côtés entouré d’un cirque de roches à la crête découpée, pareil à la Somma du Vésuve. Une épaisse forêt de chênes et de hêtres séculaires, ombrageant deux lacs, petits mais profonds, remplit l’intérieur de ce cratère. De toute la plaine de la Capitanate on aperçoit à l’extrémité sud-est de l’horizon le cône sombre du Vulture se dresser hardiment en avant de l’arête plus lointaine des Apennins de la Basilicate. Mais on le perd de vue en entrant au milieu des hauteurs mouvementées qui se rattachent à ses dernières pentes et ont été produites en même temps que lui, dans les terrains calcaires environnans, par la poussée souterraine qui lui donnait naissance. Il faut alors en arriver tout près pour le voir de nouveau se développant de la base à la cime dans son imposante majesté.

Nous descendons dans un étroit vallon qui longe le pied de la montagne. Un ruisseau d’eau vive y court en murmurant et développe dans le sol, composé de cendres volcaniques, une fécondité égale, si ce n’est supérieure, à celle des campagnes qui environnent le Vésuve. Ce ne sont dans ce vallon que vignes portant des grappes dignes de la terre promise, vergers entourés de haies de cactus et entrecoupés de cannes gigantesques, où le pommier se mêle aux figuiers et aux orangers, clos d’oliviers, plantations luxuriantes de toute nature. Mais voici à la gauche du ravin une ville qui, sur une esplanade naturelle au-dessus des collines voisines, s’étage en gradins surmontés par la masse sévère d’un château féodal, en face du Vulture qui lui offre une perspective à transporter d’enthousiasme