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XIIe siècle cite un proverbe qui avait cours depuis longtemps et qui, calquant à sa manière des paroles d’Isaïe, disait : « La loi sort de Bari et la parole de Dieu d’Otrante. » En effet, la renaissance des études hébraïques s’est produite en Italie bien plus tôt que dans le reste de l’Europe, et dès le commencement du Xe siècle, dans l’ordre des sciences profanes, les juiveries de la Pouille comptaient des hommes de la valeur du fameux médecin Schabthaï Domnolo. Elles continuèrent à subsister sans être trop molestées, même sous les Angevins. Ce fut seulement Ferdinand le Catholique qui fit expulser les juifs du royaume de Naples, en appliquant à ce pays la loi barbare d’exil que l’Espagne avait adoptée et qui lui fut si funeste.

Bâtie sur un sol volcanique, la ville de Melfi, qui compte actuellement une douzaine de mille âmes, a souffert à plusieurs reprises, presque de siècle en siècle, les ravages des tremblemens de terre. Le dernier et l’un des plus violens eut lieu en 1851 et renversa la majeure partie de la ville, en faisant de nombreuses victimes. C’est pour cela que la plupart des constructions y sont neuves. Par suite, Melfi ne conserve que bien peu de souvenirs monumentaux de son passé historique. Le château-fort qui la domine, énorme pâté garni de tours carrées peu saillantes, est encore dans sa masse une œuvre du XIe siècle. C’est bien celui qu’ont habité Drogon et Humfroi, celui où Robert Guiscard enferma sa première femme Albérade, la fidèle compagne des épreuves de sa jeunesse, quand il l’eut répudiée pour contracter une alliance plus profitable à sa politique en épousant Sichelgaïta, sœur du prince de Salerne. Mais ce château a été complètement défiguré par des remaniemens et des appropriations modernes de diverses époques. Il appartient actuellement à la famille Doria, qui en tire un titre princier. La seigneurie de Melfi, restée du domaine royal jusqu’au XIVe siècle, fut pour la première fois donnée en fief comme comté par Jeanne Ire. Ferdinand Il d’Aragon l’érigea en duché pour la famille Caracciolo. Mais elle était revenue à la couronne par voie de confiscation quand Charles Quint la donna comme principauté à André Doria.

De l’ancienne cathédrale il n’est demeuré debout qu’un beau campanile carré à plusieurs étages de fenêtres romanes, aussi élégant que hardi dans la façon dont il s’élève vers le ciel. A son étage supérieur, l’architecte a employé les pierres volcaniques rouges et noires du Vulture pour exécuter, à la façon de ce qu’on voit souvent dans les églises de l’Auvergne, de véritables mosaïques à grandes pièces, incrustées dans l’appareil de gros blocs de calcaire qui forme la construction. Elles dessinent des lions rampans d’un style tout héraldique, placés sur chaque face des deux côtés de la fenêtre. Le lion était l’emblème qu’avait adopté la dynastie des Normands