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sous le consulat de L. Manlius Torquatus et de L. Aurelius Cotta ; son nom était Q. Horatius Flaccus. Grâce à la générosité de son père, il avait reçu une brillante éducation littéraire à Rome et à Athènes ; puis, adoptant la carrière des armes, il avait embrassé le parti des meurtriers de César. Avec le grade de tribun légionnaire, il avait combattu sous Brutus à Philippes et il n’y avait très probablement pas fait la piteuse figure dont il avait plus tard la petitesse de se vanter pour s’en faire un mérite à la cour d’Auguste. Revenu en Italie et se trouvant privé de son patrimoine, ce fut la pauvreté, il le dit lui-même, qui le décida à venir chercher fortune à Rome et à y tirer parti de son talent naturel pour la poésie.


Decisis humilem pennis inopemque paterni
Et Laris et fundi paupertas impulit audax
Ut versus facerem.


Le nom d’Horace suffit à la gloire de Venusia. Le grand poète, fixé à Rome et commensal de Mécène, passant les chaleurs de l’été dans sa modeste maison de campagne de la Sabine, ne paraît pas être retourné souvent dans sa patrie[1], ni autrement qu’en passant pour aller dans sa chère Tarente, dont il aimait les hivers si doux. Même dans le voyage qu’il fit jusqu’à Brindes à la suite de Mécène, en compagnie de Virgile et de Varius, et qu’il a raconté dans ses Satires, c’est de loin seulement qu’il salua ses montagnes natales. Mais il ne les avait pas oubliées. Ses poésies sont pleines d’allusions aux paysages qui avaient les premiers frappé ses yeux, au milieu desquels il avait été nourri. Il se plaît à rappeler un prodige qui aurait marqué son enfance dans les bois du Vulture, sur le flanc lucanien de la montagne, prodige qui, malheureusement pour sa crédibilité, ressemble trop à ceux qu’on racontait de Stésichore, de Pindare et de Platon.


Me fabulosæ Vulture in Apulo
Altricis extra limen Apuliae
Ludo fatigatumque somno,
Fronde nova puerum palumbes
Texere, mirum quod foret omnibus.


On vous montre à Venosa quelques méchans restes de pans de mur romains, fort postérieurs d’après leur construction à l’époque du poète, que l’on décore du nom de Casa di Orazio. Quand une

  1. Son ode à la source de Bandusia, qui appartient à une époque de sa vie où l’on a peine à placer un voyage à Venusia, est composée comme en vue d’un sacrifice à célébrer auprès d’elle. Est-ce en imagination seulement qu’il s’y transporte par une fantaisie de poète ? La question dès l’antiquité préoccupait les commentateurs.