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des princes normands. Contre la muraille de droite, à la hauteur du milieu de l’église, une niche cintrée en arcosolium, grossièrement refaite à une époque qui n’est pas éloignée de nous, abrite un simple coffre de pierre de forme rectangulaire, sans aucune sculpture, où l’on dit que reposent Drogon et Robert Guiscard. La main d’un barbouilleur moderne a peint au fond de la niche deux figures ridicules de chevaliers. On n’a pas rétabli l’ancienne épitaphe de Robert en vers léonins, curieuse par son emphase boursouflée et par la pédanterie avec laquelle le clerc qui l’a composée y employait à tort et à travers des noms de la géographie antique : « Celui-ci est Guiscard, la terreur du monde. Il a chassé de la Ville (de Rome) celui que les figures, Rome et les Allemands, tiennent pour roi (l’empereur Henri IV). Le Parthe, l’Arabe et la phalange des Macédoniens n’a pas mis Alexis (Comnène) à couvert de lui, mais bien la fuite. Quant au Vénitien, ni la fuite ni la mer ne l’ont protégé. » En face, de l’autre côté de l’église, est la tombe d’Albérade, celle-ci bien conservée. Un sarcophage de pierre, aussi simple que celui de son mari, renferme ses os. Il est placé sous un élégant fronton en saillie que portent deux colonnettes. L’épitaphe consiste en un distique latin d’une heureuse concision. « Albérade, femme de Guiscard, dit-elle, est enfermée dans ce cercueil. Si tu veux savoir qui fut son fils, c’est celui qui repose à Canosa. » Bohémond est, en effet, enterré dans un mausolée en forme de turbeh arabe, attenant à la cathédrale de Canosa. On ne pouvait donc dire d’une façon plus discrète à la fois et plus précise : Celle-ci est l’épouse répudiée, la mère du fils dépouillé par les intrigues de sa belle-mère ; mais ce fils a été le héros de la croisade.

En descendant à deux kilomètres de distance de la ville, sur la route qui continue au-delà du monastère de la Trinité et mène au fond de la vallée de la Fiumara pour remonter ensuite vers Lavello, on visite une des principales curiosités archéologiques de Venosa. C’est la catacombe juive découverte en 1853. Partout où ils l’ont pu, les juifs de l’empire romain ont adopté ce mode de sépulture souterraine, qui se rapprochait des grottes funéraires de la Palestine. C’est à eux que les premiers chrétiens l’ont emprunté, à l’imitation du sépulcre du Christ. Bien que la catacombe de Venosa fût indiquée sur les Guides de Bœdeker et de Murray, d’après ce que j’avais lu dans un savant et récent mémoire de M. Ascoli sur les anciennes sépultures israélites du midi de l’Italie, je croyais qu’elle était entièrement ruinée, et j’ai été agréablement surpris de la trouver encore exactement dans l’état où M. Hirschfeld l’avait vue et décrite il y a vingt-cinq ans. Elle est creusée dans un banc épais de tuf granulaire d’origine volcanique, de même nature que