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le pays était avec elle, quand elle est brusquement détrompée par l’échec du général Cavaignac et par l’élection du prince Louis-Napoléon. Dès lors le rôle des libéraux modérés cesse pour de longues années. Malgré quelques personnalités éminentes, — M. Dufaure, M. de Tocqueville, les généraux de La Moricière et Cavaignac, — le centre gauche compte à peine dans l’assemblée législative. Il compte encore moins dans les chambres de l’empire, jusqu’au moment où son nom reparaît, après les élections de 1863, pour grouper quelques hommes d’origines diverses, les uns attachés aux régimes déchus, les autres ralliés au gouvernement impérial, mais tous unis dans la revendication des « libertés nécessaires. » L’importance croissante qu’acquit le centre gauche de 1863 à 1870 attestait certainement dans le pays un réveil libéral ; mais elle n’attestait ni chez les membres de ce groupe parlementaire, ni chez leurs électeurs, le besoin clairement senti d’une politique commune. On le vit bien quand il fut porté au pouvoir, et quand les ministres sortis de ses rangs se laissèrent entraîner dans la double aventure du plébiscite et de la déclaration de guerre.

Un nouveau centre gauche se forme encore dans l’assemblée nationale de 1871 et, cette fois, il sait se donner, sous un chef illustre et respecté, un programme nettement défini. Ce programme, c’est l’établissement, sur des bases conservatrices et libérales, d’une république parlementaire. Le pays s’y rallia tout de suite dès qu’il lui fut présenté par le grand citoyen que vingt-six départemens avaient élu de confiance, comme celui qui avait été, à la veille de nos malheurs, le plus clairvoyant des hommes d’état, et qui venait de justifier toutes nos espérances en nous sauvant successivement de la guerre étrangère et de la guerre civile. Les élections du 8 février n’avaient été que la manifestation toute négative de l’aversion du pays pour la politique de guerre à outrance et d’agitation révolutionnaire, personnifiée alors dans M. Gambetta. Aucune indication n’en pouvait être tirée pour l’avenir de la France et l’événement prouva bientôt combien s’étaient trompés ceux qui s’étaient hâtés de les saluer ou de les flétrir comme des élections franchement royalistes. Quelques mois plus tard, les élections du 2 juillet affirmaient hautement la volonté du pays de suivre et de soutenir la politique républicaine de M. Thiers. Cette politique avait contre elle, dans l’assemblée nationale, et la gauche et la droite. La gauche voulait une autre république, la droite ne voulait d’aucune république. Il fallut quatre années d’efforts persévérans, il fallut surtout, après la chute de M. Thiers, la preuve irrécusable que tout autre programme était impossible, pour que le programme du centre gauche réunît enfin une majorité, bien petite et bien éphémère, on le sait et on n’a pas cessé de s’en railler, mais accueillie cependant par la grande