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du système nerveux, qui le rend capable de transmettre les excitations motrices avec une instantanéité sans égale dans les autres races. C’est cette soudaineté des mouvemens qui caractérise le cheval de course anglais et qui constitue sa vertu fondamentale. L’animal qui la possède à un degré plus ou moins grand est dit avoir plus ou moins de sang, d’après un langage hippique évidemment impropre. Tel est le gain, voici la perte. C’est une incontestable diminution de la puissance musculaire originelle. Eu quelques bonds, le cheval anglais distance à perte de vue son frère d’Orient; mais son ardeur est d’autant moins durable qu’elle est plus surexcitée, tandis que, soutenant son allure durant des heures entières, l’autre accomplit utilement les plus grands voyages.

Quoi qu’il en soit, la race des chevaux de course a pris une vogue extrême, grâce à l’habileté de ses éleveurs passés maîtres dans l’art de vendre autant qu’en celui de produire, grâce aussi à la passion du jeu si fiévreusement excitée sur les hippodromes. Exportée dans le monde entier, cette race a attiré sur l’Angleterre une inépuisable ondée de guinées.

Pendant longtemps, le cheval de course a été regardé comme l’universel et infaillible améliorateur de toutes les races, en tous pays. L’expérience a montré les erreurs de ce dogme du pur sang. Dans les conditions propices de climat et d’alimentation, les croisemens ont donné des résultats satisfaisans, quoique très irréguliers; mais l’alliance avec les races chétives et négligées n’a fourni que des produits inférieurs à ces races elles-mêmes.

Passons en Russie. De tout temps, la Russie a fait de fréquens emprunts à l’Orient pour améliorer sa race chevaline. Dans ce pays où princes et hetmans possèdent jusqu’à quinze et vingt mille chevaux sur des domaines plus grands que nos provinces, il existe de nombreux haras particuliers pour l’élevage de chevaux arabes destinés à améliorer l’espèce commune. Le plus célèbre de ces haras est celui que le comte Orlof établit dans le gouvernement de Voronèje, vers le milieu du siècle dernier. Le comte Orlof se préoccupait de créer une variété de chevaux rapides au trot, qualité surtout utile dans le pays des longs voyages. Son haras fut fondé avec des étalons arabes et des jumens danoises distinguées par leur vitesse. Acheté vers 1845 par le gouvernement russe, il comptait plus de deux mille animaux d’élite.

C’est par un incessant recours aux meilleures races d’Asie, que la Russie s’est constitué d’infatigables chevaux d’arme. Dans un intéressant ouvrage sur les haras russes, M. P. Salvy cite les résultats de courses fréquemment répétées dans la cavalerie cosaque.