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première calamité, le mal du ver à soie, puis par un désastre plus grand encore, la maladie de la vigne. Les travaux de l’illustre M. Pasteur ont permis de conjurer le premier fléau. Le second élargit graduellement l’étendue de ses ruines, favorisé par notre coupable inertie à dériver mos fleuves pour répandre abondamment sur leurs coteaux l’eau nécessaire à la destruction de l’insecte ravageur.

La restauration de l’industrie chevaline dans le Midi pourrait, dans une certaine mesure, adoucir tant de pertes. Toutefois cette industrie semble au premier abord peu compatible avec les changemens survenus dans la culture. Les exploitations morcelées lui sont peu favorables. Quant à celles qui ont conservé leur ancienne étendue, elles ne peuvent plus, comme jadis, consacrer aux cavales et à leurs poulains les vastes pâturages dans lesquels ils vivaient libres en tout temps, brossés par la brise, baignés par la pluie. Actuellement mieux cultivées, ces prairies sont préservées de toute dépaissance, durant l’hiver et le printemps, afin d’être irriguées et fauchées. Les exigences de la culture améliorée retiennent tous les animaux de la ferme à l’étable durant la plus grande partie de l’année. Peu funeste au gros bétail, cette réclusion est excessivement préjudiciable aux jeunes chevaux, pour lesquels un incessant exercice est la condition même de la santé et de la vigueur. La stabulation est, en effet, la plus grave cause de déformation et d’étiolement des chevaux élevés actuellement dans le Centre et le Midi.

Mais il est un remède au mal. Le morcellement et la meilleure tenue des prés sont trop utiles pour qu’il ne soit pas possible de concilier l’entretien du cheval avec ces progrès, dans une même harmonie du bien. La division du sol appelle la division de l’industrie agricole dans tous ses détails, y compris la production chevaline. Les exploitations morcelées peuvent ne pas être exclues des bénéfices de cette production, à la condition de se spécialiser soit pour l’entretien des poulinières, soit pour l’élevage des jeunes chevaux, faute de l’espace suffisant pour réunir, comme par le passé, ces deux actes agricoles.

Dans le cas où les exploitations se restreignent à l’entretien des mères, les poulains sont vendus dès le sevrage. Partant avant l’hiver, ils n’ont point à souffrir de la stabulation imposée par la préservation des prés arrosés. Leur place naturelle est alors dans les vastes pâturages des rives des fleuves et des bords de l’océan, qui sont partout abandonnés au libre parcours du bétail, durant toute l’année. Cependant, vivifiés par le grand air, développés par la liberté, ces deux biens suprêmes de l’enfance, les poulains grandissent et deviennent capables des premiers efforts au travail. C’est pour eux le moment de revenir dans une ferme, pour y être utilisés