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Vingt jours après, l’autorisation attendue fut enfin expédiée ; il n’était que temps : la mère Marie-Thérèse n’avait plus que 4 francs. C’est avec de telles ressources que, seule, elle entra en campagne. Trois mois plus tard, l’abbé Le Pailleur tint parole et revint. Il avait sa chambrette réservée dans une maison où la mère Marie-Thérèse logeait et nourrissait quarante vieillards. Labbé Le Pailleur, en guise de félicitations, lui dit : « Il faut continuer. »

Jeanne Jugan, — Marie de la Croix, — « la première quêteuse, » est morte le 29 août 1879 ; la première infirme, recueillie chez elle, est devenue légion ; l’abbé Le Pailleur, âgé, mais dirigeant toujours l’œuvre dont il est le père spirituel, doit éprouver un sentiment de gratitude infinie lorsqu’il se rappelle la mansarde de Saint-Servan et qu’il voit ce qu’est devenue l’institution qu’il a créée. La date de la naissance de l’œuvre est reportée (un peu arbitrairement peut-être), à l’année 1840 ; je crois plus juste de dire qu’elle n’acquiert une apparence sérieuse que vers 1842 ou 1843. Qu’importe du reste ; elle est conçue par un jeune prêtre qui prend pour auxiliaire deux pauvres filles, une servante et une vieille femme ; elle est mise au jour dans des conditions d’humilité qui font douter qu’elle soit viable ; elle sort du grabat d’une paralytique et de la sébile d’un mendiant. L’œuvre des Petites-Sœurs des Pauvres a aujourd’hui (1er janvier 1883) un noviciat où l’on enseigne aux postulantes l’art de soigner les infirmes et d’aimer les vieillards : elle compte, tant en France qu’à l’étranger, 217 maisons donnant asile à plus de 25,000 malheureux servis par 3,400 religieuses. Que ces chiffres n’attirent pas sur ces saintes filles les foudres des Jupins administratifs ; elles ont leurs papiers en règle, comme disent les gendarmes ; leur congrégation a été autorisée le 9 janvier 1859 et le 21 avril 1869[1].


II. — A PARIS.

Les Petites-Sœurs des Pauvres ont successivement ouvert cinq maisons à Paris, cinq hospices pour les vieillards indigens : en 1849, rue Saint-Jacques ; en 1851, rue du Regard, actuellement transféré avenue de Breteuil ; en 1853, rue Picpus ; en 1854, rue Notre-Dame-des-Champs ; en 1864, rue Philippe-de-Girard. Ces cinq maisons renferment une population moyenne de 1,200 pensionnaires qui sont surveillés et soignés par une centaine de sœurs. Dans chacune de ces maisons, l’organisation est identique ; la communauté est placée sous la direction d’une supérieure que rien ne distingue extérieurement des autres religieuses, sinon qu’on l’appelle la

  1. Le noviciat et la maison mère sont à la Tour-Saint-Joseph, commune de Saint-Pern (Ille-et-Vilaine).