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organisateurs de la « religion libre » ne leur imposaient le sacrifice. ni de leurs croyances particulières, ni même de leurs attaches avec d’autres associations religieuses ; tout ce qu’ils leur demandaient, c’était de s’unir « sur le terrain d’une communion spirituelle dégagée de toute intolérance dogmatique. » — L’article 1er des statuts donne pour but à l’association « de favoriser les intérêts pratiques de la pure religion, d’accroître la sympathie spirituelle (fellowship in spirit) et d’encourager l’étude scientifique du sentiment religieux, ainsi que de l’histoire religieuse. »

La première réunion, qui se tint à Boston, le 30 mai 1867, fut un grand succès pour les promoteurs du mouvement. A leur appel avaient répondu non-seulement un grand nombre de ministres et de laïques, appartenant à des congrégations unitaires, mais encore quantité de personnages connus, recrutés parmi les élémens libéraux des sectes les plus diverses, des universalistes, des hicksites (quakers progressistes), des juifs et même des spirites. L’association choisit pour président un ministre unitaire, qui devait fonder plus tard à New-York une congrégation indépendante, M. O.-B. Frothingham, et pour secrétaire un de ses collègues de New-Bedford, M. William J. Potter, qui allait bientôt être rayé de la liste officielle des ministres unitaires pour son refus de conserver le nom de chrétien.

Outre ses assises annuelles, consacrées à des discussions et à des lectures, l’Association religieuse libre a institué des séries de conférences dans différentes villes du pays et publié un grand nombre de brochures destinées à la propagande ; elle a pour organe l’Index de Boston, revue hebdomadaire qui, successivement dirigée par MM. Abbot, Potter et Underwood, mériterait d’être proposée comme modèle à toutes les feuilles de la libre pensée dans les deux mondes, tant pour l’attrait de ses articles que pour la largeur de ses idées et surtout l’élévation de son ton moral.

Depuis quatorze ans que la « religion libre » s’est constituée, elle a accompli une œuvre à la fois positive et négative, — négative, par sa propagande rationaliste, qui mine de plus en plus les bases des sectes dogmatiques ; — positive par ses efforts pour assigner un but commun à l’activité religieuse de ses membres. Parmi les mouvemens qu’elle a pour ainsi dire lancés, il faut signaler la Ligue libérale, organisée en 1876, par M. Abbot, pour obtenir la sécularisation complète de la législation américaine. La séparation de l’état et des églises n’est pas aussi absolue chez les Américains qu’on se plaît souvent à nous le dire. Sans doute les communautés religieuses se gouvernent à leur guise et, d’autre part, l’autorité civile ne leur fournit aucune espèce de subsides. Mais, bien que les dernières églises d’état aient disparu depuis plus d’un demi-siècle, les institutions publiques sont encore fort imprégnées de